Kanto: "Ça passe ou ça casse !"

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Propos recueillis par Anthony LEFORT , modifié à
A l'image de sa coéquipière Sophie Herbrecht, Nina Kanto (27 ans) ne pense qu'à une chose: les Jeux olympiques d'été de 2012 à Londres. Mais, avant cela, la pivot du Metz HB et les Bleues disputent le championnat d'Europe en Norvège et au Danemark (du 7 au 19 décembre). Et, pour la première fois, la native de Yaoundé, au Cameroun, quitte son fils de dix mois. Un vrai crève-coeur.

A l'image de sa coéquipière Sophie Herbrecht, Nina Kanto (27 ans) ne pense qu'à une chose: les Jeux olympiques d'été de 2012 à Londres. Mais, avant cela, la pivot du Metz HB et les Bleues disputent le championnat d'Europe en Norvège et au Danemark (du 7 au 19 décembre). Et, pour la première fois, la native de Yaoundé, au Cameroun, quitte son fils de dix mois. Un vrai crève-coeur. Nina, appréhendez-vous le fait de devoir débuter la compétition par la Norvège puis la Hongrie ? Ça passe ou ça casse ! C'est un avantage comme un inconvénient. On sait très bien qu'un championnat d'Europe, il n'y a pas de petit match. De toute façon, si l'on veut faire au moins une des trois premières places, il va bien falloir battre une grosse équipe. Êtes-vous une nouvelle joueuse depuis la naissance de votre fils, Noa, en février dernier ? C'est quelque chose qui reste un petit peu dans les tripes. C'est un petit défi que je m'étais lancé et que j'essaye de réaliser. C'est un peu une course contre la montre. Je ne pensais pas que cela allait être sur l'Euro 2010, je m'attendais plus au Mondial 2011. Tout est un petit peu précipité donc j'essaye de ne pas trop stresser et de ne pas être trop exigeante avec moi-même. C'est mon gros défaut: être toujours dans l'autocritique, en vouloir plus, ne pas accepter qu'après une grossesse il faut quand même laisser au corps le temps de revenir progressivement. Mais le plus dur est fait. Maintenant, c'est beaucoup sur la dimension affective, sur le fait de ne pas avoir mon petit, qu'il faut que je franchisse un cap parce que c'est ce qui me bloque sur le terrain. Comment gérerez-vous la distance ? (Rires) Je ne sais pas. Cela m'inquiète. J'appréhende parce que cela va être la première fois que je m'absente aussi longtemps. La World Cup, c'était déjà une semaine, cela a été hyper-difficile psychologiquement. Mais, en même temps, j'étais contente parce que je n'ai pas été si ridicule que cela et c'est quand même un tournoi assez relevé. Derrière, on a eu le stage à Capbreton où, ce qui a été bien, c'est que la fédé a mis en place la venue de ma famille, donc du papa et du petit sur le week-end. Cela nous a permis aussi, à nous, de changer d'air tous les trois puis, à moi, de pouvoir un petit peu concilier les deux. Du coup, l'Euro, cela va être deux semaines sans rien, juste avec la webcam, et encore si cela tombe dans les bons horaires. Serez-vous pleinement concentrée sur l'objectif ? Cela va être mon plus gros challenge parce que la motivation est là, l'envie est là. Mais devenir mère, c'est quelque chose qui est en nous 24 heures sur 24. Je n'ai pas encore le recul et la maturité nécessaire pour être sure de réussir à le faire. J'ai envie. Je me dis : « je ne vais pas non plus le laisser pour faire n'importe quoi ». Parce que ce serait doublement gâcher, ce serait du temps perdu. J'ai envie d'aller à l'Euro à fond en apportant à l'équipe le maximum de ce que je peux apporter. "Le meilleur reste à venir" Avez-vous pensé à arrêter le handball ? Franchement, les trois premiers mois, oui. (Rires) J'étais tellement bien ! On se complaît un peu dans son rôle de maman. Cela m'a traversé l'esprit parce que je me disais qu'avec un travail normal, je le verrai tous les soirs, comme n'importe quelle mère. Mais, en même temps, le hand reste quand même une de mes passions, c'est aussi une chance, des aventures humaines uniques que l'on ne peut pas vivre dans un métier normal et je sais que ce n'est que pour un temps. Ce que je fais, c'est aussi pour lui parce que d'ici un an, quand il commencera à réaliser un petit peu plus les choses, ressentir ou voir de la fierté à travers son regard, cela peut être quelque chose d'unique et d'intéressant. Jusqu'à quand jouerez-vous ? Tant que mon niveau me permettra de le faire. J'ai déjà eu un enfant, ce ne sera pas le dernier. J'adore le hand mais j'aime aussi beaucoup avoir ma stabilité, mon équilibre au niveau familial, parce que c'est bien d'être passionnée dans ce que l'on fait mais il faut garder un peu les pieds sur terre et penser à l'après. Trouvez-vous que les Bleues ont changé ? Non, c'est l'équipe de France qui est née à Lyon. Tout est parti de là. On parle beaucoup du Mondial mais tout est parti de la qualification à Lyon parce que ce n'était quand même pas une tâche facile. A partir de là, il y a quelque chose qui est née, il y a un groupe qui est né, une envie commune, un esprit d'équipe. Cela va continuer à monter en puissance parce qu'il y a des filles qui sont très jeunes dans le groupe et qui sont très ambitieuses. Je suis persuadée que le meilleur reste à venir. Conseillez-vous les plus jeunes ? Oui et non parce que l'on n'a pas non plus beaucoup d'années d'écart, c'est trois-quatre ans. Comme je suis sur le retour, j'ai un peu du mal. On me pose des questions, on me demande, donc je n'hésite pas si une joueuse en ressent le besoin mais je suis un peu gênée de jouer ce rôle-là. Si la demande ne vient pas de l'autre joueuse, je ne le ferai pas. Mais, par rapport aux filles comme Claudine (Mendy, ndlr), qui joue avec moi en club (Metz HB, ndlr), je les aide parce que c'est quelqu'un qui a un potentiel énorme, qui peut devenir vraiment très bonne. Maintenant, comme on dit, il faut toujours être bien entourée et bien conseillée parce que, quand on est jeune, on peut aussi un petit peu perdre pied dans ce milieu où tout arrive un petit peu vite. Mais, moi, c'est plus le côté : « ce que vous faites, c'est super ! ». Je suis un peu de la vieille école. (Rires) "Je ne suis pas encore redescendue" Quel est l'objectif de l'équipe de France pour ce championnat d'Europe ? On y va toujours pour gagner. Maintenant, il faut déjà se dire : « on y va pour faire ce que l'on a à faire ». Le résultat, il sera ce qu'il sera. Si on gagne, c'est super ; si on fait l'une des trois premières places, c'est super. Maintenant, si on joue extrêmement bien, que l'on est à notre meilleur niveau et qu'elles sont meilleures que nous en face, c'est le sport. C'est vraiment comme cela que je vois les choses. Il ne faut pas que l'on ait des regrets, il faut que l'on donne tout ! Un podium est-il le minimum requis ? C'est l'objectif idéal, ce n'est pas le minimum. (Rires) C'est un championnat d'Europe, ce n'est pas un championnat du monde, c'est complètement différent. Le Mondial, on peut avoir trois matches et finir en finale. Sur un Euro, il n'y a que des grosses équipes donc c'est vraiment totalement, totalement différent. Si on fait un podium, c'est super parce que cela veut dire qu'il n'y a pas de tournoi de qualification au mois de juin donc on est qualifié automatiquement pour le Mondial, c'est déjà bien pour le court terme. Si on pouvait essayer de passer le premier tour avec des points, ce serait déjà une bonne entame pour l'Euro. Quels sont vos favoris ? La Roumanie, qui est costaud. Cette année, elles ont une équipe pour faire un résultat. Cela a toujours été une super belle équipe mais, on ne sait pas pourquoi, qui n'arrivait pas à aller au bout de ses compétitions. Sur le plan individuel, elles ont des joueuses franchement extraordinaires. Après, les Norvégiennes, bien sûr, elles font peur parce que c'est un pays qui maîtrise le handball. Norvège et Roumanie, ce sont quand même des équipes qui sont un petit peu au-dessus du lot. Mais le reste est pas mal aussi. Faites-vous, comme Sophie Herbrecht, une fixette sur les Jeux olympiques 2012 à Londres ? Oui. Après avoir vécu Pékin, je veux les revivre. Humainement, c'est quelque chose ! Je veux dire, j'ai regardé à la télé quand j'étais petite. Là, c'était moi qui était dans l'écran, les gens me regardaient. Au niveau du melting pot, de l'expérience humaine, c'est quelque chose de hors norme. Pendant un mois, je n'étais pas au paradis mais presque. C'est la tolérance, la différence. Je ne sais pas comment expliquer. On est dans un monde parallèle. En plus, en Chine, on était bien logé ; dès que l'on avait besoin de quelque chose, la personne était disponible ; on n'a pas eu un seul problème sur les déplacements ; au niveau des repas, c'était très bien avec le réfectoire géant et les plats d'un peu tous les continents. C'est intéressant au niveau de la découverte. Tu marches dans la rue, tu vois Kobe Bryant, Rafael Nadal. Je ne suis pas encore redescendue.