Derrien: "Un week-end difficile"

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Propos recueillis par Fabien MULOT , modifié à
Consultant pour Sports.fr, Bruno Derrien revient sur l'arbitrage de la troisième journée de Ligue 1. L'ancien homme en jaune déplore les nombreuses erreurs qui ont émaillé cette levée, et critique les consignes spécifiques données aux arbitres tricolores, lesquelles les pénalisent sur la scène internationale.

Consultant pour Sports.fr, Bruno Derrien revient sur l'arbitrage de la troisième journée de Ligue 1. L'ancien homme en jaune déplore les nombreuses erreurs qui ont émaillé cette levée, et critique les consignes spécifiques données aux arbitres tricolores, lesquelles les pénalisent sur la scène internationale. Bruno, quel est votre avis sur la main de David Ducourtioux lors de PSG-Valenciennes ? Y avait-il penalty ? C'est une main de protection, le joueur se protège avant tout. Il n'est même pas en appui sur ses deux pieds, mais sur un seul. Il a les bras non écartés, il n'a aucune volonté de faire main. Il n'y a donc pas penalty. La justification de l'arbitre, M. Olivier Thual, qui explique après le match que Ducourtioux étant sur ses appuis, ne tient donc pas ? Je ne partage pas ce point de vue. Je le répète, il n'y avait pas volonté de faire main. Le joueur se retourne, se recroqueville même. Ce penalty ne s'imposait pas, il n'y a aucune intention de faire main. Que pensez-vous de cette nouvelle mode qui consiste, pour les arbitres, à venir s'expliquer sur leurs décisions litigieuses dans les médias après les matches ? Je trouve ça très bien que les arbitres s'expriment, qu'ils expliquent leurs décisions. Mais avant d'aller s'exprimer, ils doivent avoir bien revus les images parce qu'après on peut facilement les ridiculiser et c'est dommage car ça produit l'inverse de ce qui était recherché. On veut faire de la pédagogie, et puis derrière on communique mal. Avant d'aller devant les caméras, allons bien voir les images pour bien préparer ses arguments. "On a mis les arbitres dans la difficulté" Sur la main de Jean-Pascal Mignot face à l'OM, il y avait clairement penalty... Oui, c'est clair, il n'y a pas grand-chose à dire, l'image parle d'elle-même. Peut-être quelque chose sur le placement de l'arbitre, qui aurait pu se décaler un peu plus sur la gauche. Quelle est votre position sur les mains dans les surfaces de réparation ? J'ai l'impression qu'on a mis les arbitres dans la difficulté, en multipliant les consignes. Moi j'en étais resté à la Loi 12: une main pour être sifflée doit être commise de manière intentionnelle. C'est la règle, point. Après, c'est de l'interprétation, c'est vrai que c'est subjectif. Est-ce qu'un joueur peut avoir les bras écartés ? Est-ce que quand un joueur se jette, il doit forcément garder les bras collés au corps ? Les joueurs ont aussi besoin de leurs bras pour garder leur équilibre. C'est un paramètre à prendre en compte. Mais toutes ces précisions sur ces mains... (Il coupe)Ah, mais ce ne sont pas des précisions de la FIFA, ce sont des précisions de la France ! ...ne sont-elles pas vaines quant à réussir à repérer leur intentionnalité ? Regardez, vous avez deux matches à deux heures d'intervalle (PSG-Valenciennes et OM-ASSE, Ndlr), et ça n'est pas la même décision qui est prise. Il y a des fois, c'est très facile de repérer l'intentionnalité d'une main. Après, quand un joueur est en position de défense devant une frappe, s'il fait une manchette c'est évident, mais s'il a les mains collées au corps et que le ballon vient toucher la main, il n'y a pas d'intention. "Les arbitres sont dans les consignes" La vidéo pourrait-elle aider les arbitres sur ce problème d'interprétation ? Mettez la vidéo et vous verrez qu'un arbitre de la DNA actuel vous dira que l'arbitre a tout de même pris la bonne décision. Ils sont dans les consignes, et je ne les partage pas. J'ai vraiment le sentiment qu'on sifflait moins les mains avant. Siffler systématiquement toutes les mains, est-ce une solution alternative ? Cela serait plus facile, ça c'est sûr. On ne ferait plus appel à l'intelligence de l'arbitre: dès qu'on voit une main, on siffle. Ce serait une bonne solution pour les arbitres. A mon avis, c'est contraire à l'esprit du jeu. Pour revenir aux litiges arbitraux du week-end, votre jugement sur la prestation de M. Duhamel lors de Nice-Toulouse (1-1) ? Sur le but refusé pour Nice, l'assistant signale un hors-jeu qui n'existe pas, je ne crois pas que les deux attaquants influent sur le jeu du gardien toulousain. Derrière, but de Toulouse, carton rouge pour un mauvaise geste d'un Toulousain à juste titre, et puis après il y a ce penalty. C'est vrai qu'on a le sentiment que le Niçois en rajoute beaucoup, accentue sa chute. On a clairement l'impression qu'il s'agit d'un penalty de compensation. Est-ce qu'un arbitre peut vraiment être influencé par ses erreurs précédentes ? Parfois, alors même qu'un arbitre a pris une bonne décision, tout le monde est contre lui, donc c'est très difficile d'être vraiment informé de sa prestation en cours de match. Il ne sait qu'il a pris une mauvaise décision que lorsqu'il rentre au vestiaire ou quand il a vu les images. Il prend ses décisions de bonne foi, en étant sûr de lui. Après, à la vue de la réaction de certains joueurs, c'est vrai que le doute peut s'emparer de l'arbitre. "La polémique est inhérente à la compétition" Comment l'arbitre fait-il alors pour ne pas gamberger ? Grâce à son expérience, principalement. La force d'un arbitre, c'est de pouvoir se remettre en selle après une erreur, ou après une grosse polémique. De rester sourd, et de continuer son match. C'est vrai que ça n'est pas facile. Le 4e match litigieux du week-end, c'est Caen-Lille (1-2)... Oui, il y a deux penalties oubliés, le premier sur Balmont, et le deuxième sur Traoré suite à un coup de pied de Basa... Au total, c'était un week-end difficile. Et on n'en est qu'à la troisième journée... Vous avez l'air fataliste... Il y a des week-ends où tout se passe bien, et puis il y en a d'autres moins bons. D'une manière générale, la polémique est inhérente à la compétition. Après, sur des placements ou des déplacements des arbitres, je ne suis pas sûr que ces derniers soient vraiment adaptés à certaines situations. De mon temps, on avait une diagonale. On devait toujours être à gauche du terrain, avec son assistant en face à sa droite. Là, il y a des règles qui ont été données aux arbitres français d'aller sur la droite du terrain, vers l'assistant. Or, des fois, quand on est dans sa diagonale on voit mieux les choses. "On veut être une exception" Toutes ces consignes spécifiques données aux arbitres français, ça n'est pas une explication à leur difficulté à s'imposer sur la scène européenne et internationale ? Oui, quand ils vont à l'étranger, ils ne peuvent pas appliquer les consignes qu'on leur donne en France. Ils doivent être perdus. Nous, on veut être une exception. D'ailleurs, on l'est, puisqu'on arbitre plus de matches à l'étranger. On ne crache plus sur eux, puisqu'ils n'arbitrent plus. A l'inverse, y a-t-il des prestations arbitrales qui vous ont positivement marquées ce week-end ? Deux arbitres ont pris leurs responsabilités, sur deux mauvais gestes. Les arbitres ont été sensibilisés sur le jeu dur. Fredy Fautrel à juste titre expulse le Lyonnais Koné, et Rainville exclue lui le Dijonnais Meïté contre Lorient. C'est un cas d'école, il met un carton jaune dans un premier temps puis ensuite, en voyant la gravité de la blessure de Quercia, transforme le jaune en rouge. Il a le droit, tant que le jeu n'a pas repris. C'est bien, ils ont pris leurs responsabilités.