Un rapport dénonce les violences commises par des surveillants pénitentiaires sur des détenus.   1:33
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Victor Dhollande, édité par Marthe Ronteix avec AFP , modifié à
L'Observatoire international des prisons (OIP) publie lundi un rapport intitulé "Violences des surveillants de prison : brisons le silence" dans lequel il dénonce les violences à l'égard des détenus. Jean-Pierre Grandin a raconté son agression au micro d'Europe 1.
TÉMOIGNAGE

L'Observatoire international des prisons (OIP) publie lundi un rapport sur les violences commises sur les détenus par les surveillants pénitentiaires. Et dénonce le règne de l'"omerta" et de l'"impunité".

"À l'heure où les violences policières sont régulièrement pointées du doigt, rappelons qu'il est un autre espace, non public, où la légitimité de la violence étatique devrait être questionnée et où aucun débordement ne devrait être toléré : la prison", écrit Cécile Marcel, directrice de la section française de l'OIP. Europe 1 a rencontré un ancien détenu qui assure avoir été frappé par des gardiens.

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"Ils ont essayé de me bloquer pour me fracasser"

Jean-Pierre Grandin a passé 10 ans en prison. Quelques mois avant sa sortie, il est conduit au quartier disciplinaire pour avoir menacé un surveillant. C'est à ce moment-là qu'il dit avoir été agressé. "Ils étaient trois surveillants et ils ont essayé de me bloquer pour me fracasser", raconte-t-il au micro d'Europe 1. "L'un d'entre eux m'a giflé sur l'oreille gauche. Aujourd'hui, je suis sourd à 100% de cette oreille. Quand on vous dit qu'ils sont là pour protéger des détenus, c'est de la connerie." Deux ans après avoir déposé plainte, il n'a toujours aucune nouvelle de la justice.

Une justice à deux vitesses ? 

Entre ceux qui n'osent pas déposer plainte par peur de représailles, et les cas où les détenus n'arrivent pas à réunir de preuves suffisantes, Maud Schlaffmann, avocate, se dit très inquiète. "On arrive à une situation délirante. On a des personnes qui sont incarcérées parce qu'elles n'ont pas respecté la loi. Et quel est le message qu'on leur envoie ? Quand elles-mêmes sont victimes de la part d'une personne qui n'a pas respecté la loi, on leur dit que la justice fonctionne pour certains mais pas pour d'autres", déplore l'avocate.

Les détenus les plus vulnérables semblent particulièrement exposés. Figurent parmi eux les étrangers ne parlant pas français et les personnes atteintes de troubles psychiques. "La parole du gars est déjà décrédibilisée, les surveillants savent qu'ils ne risquent pas grand chose", explique une ancienne intervenante juridique en détention. Les auteurs d'infractions à caractère sexuel seraient également visés.

Peu de condamnations par rapport aux cas recensés

Il a fallu douze mois pour réaliser cette enquête, qui s'appuie sur 100 entretiens - la plupart sous couvert d'anonymat - avec des détenus, des avocats, des surveillants, des directeurs de prison, des magistrats etc. Il n'existe, explique l'association, aucune donnée officielle, aucune statistique sur le sujet. Impossible donc de mesurer l'étendue de ces violences. Sur deux ans, l'Observatoire international des prisons a recensé 200 cas. Sur la même période, la justice a condamné sept surveillants pénitentiaires dont deux ont été radiés.

Par ailleurs, dans la trentaine d'affaires recensées par l'OIP qui ont abouti à une condamnation depuis dix ans, les surveillants ont en majorité écopé de peine de prison avec sursis. Pour plus de transparence, l'OIP demande, entre autres, la publication de données sur le nombre de poursuites et de condamnations de personnels pénitentiaires. 

Le directeur de l'administration pénitentiaire, Stéphane Bredin, souligne de son côté que "l'essentiel des violences en détention concerne les violences entre détenus (environ 8.000 cas par an) et celles contre les personnels (environ 4.500 cas)".