Six mois après le suicide de Lucas, l'émotion reste vive dans la région. (Illustration) 1:30
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Mélina Facchin avec AFP , modifié à
Près de six mois après le suicide du jeune Lucas, âgé de 13 ans, quatre jeunes collégiens passeront devant le tribunal pour enfants d'Epinal. Ces derniers sont poursuivis pour harcèlement scolaire. Mais le parquet a finalement émis un doute sur le lien entre le harcèlement et le suicide de l'adolescent le 3 avril dernier, contredisant ses propres conclusions.

Le tribunal pour enfants d'Epinal se prononce lundi sur l'éventuelle culpabilité de quatre collégiens de Golbey (Vosges) poursuivis pour harcèlement scolaire ayant entrainé le suicide de Lucas, 13 ans, un drame qui avait suscité un émoi national en janvier. A l'audience, qui s'est tenue à huis clos le 3 avril, le parquet n'avait pas requis la reconnaissance du harcèlement comme cause du suicide, contredisant ainsi ses propres conclusions rendues à la fin de l'enquête.

Certains prévenus n'avaient pas encore 13 ans

"Au vu de l'analyse du dossier et de ce qui s'est dit à l'audience, il restait un doute par rapport à la causalité" entre le harcèlement et le geste désespéré de Lucas, avait indiqué à l'AFP le procureur d'Epinal, Frédéric Nahon. La qualification qui sera retenue par les juges pourrait avoir d'importantes conséquences sur les éventuelles sanctions prononcées: la peine encourue pour le harcèlement scolaire commis par un mineur peut aller jusqu'à 18 mois de prison, mais elle est portée à cinq ans si ces faits ont entraîné un suicide.

Si les collégiens sont reconnus coupables, leurs peines ne seront prononcées que dans un second temps, après une période de "mise à l'épreuve", conformément au nouveau Code de justice pénale des mineurs en vigueur depuis septembre 2021. La période retenue pour les faits de harcèlement pourrait également avoir un impact sur la décision finale des juges : pour une partie des faits de harcèlement inscrits au dossier, certains des prévenus n'avaient pas encore 13 ans.

Or, la loi établit une présomption de non-discernement selon laquelle, en dessous de 13 ans, un mineur est présumé ne pas pouvoir comprendre les conséquences de ses actes et ne peut donc pas être reconnu coupable d'une infraction. Les avocats des quatre collégiens, deux filles et deux garçons, ne sont pas rentrés dans ces considérations. A l'audience, ils avaient estimé l'infraction "non constituée" et avaient tous plaidé la relaxe.

Insultes à caractère homophobe

Lucas, 13 ans, s'est suicidé le 7 janvier, après avoir écrit un mot exprimant sa volonté de mettre fin à ses jours. "Les constatations et l'autopsie effectuée par l'institut médico-légal de Nancy ont permis d'établir la thèse d'un suicide par pendaison", avait précisé le procureur Frédéric Nahon. Les proches de l'adolescent avaient dénoncé des faits de harcèlement, révélant les moqueries et insultes à caractère homophobe dont il s'était dit victime de la part d'autres élèves de son collège.

Ce suicide avait suscité une forte émotion. A Épinal début février, plusieurs centaines de personnes avaient participé à une marche blanche en mémoire du jeune garçon. "Quand un enfant met fin à ses jours, il n'y a pas de mots pour dire l'émotion, le chagrin, la douleur", avait déclaré au Sénat le ministre de l'Éducation nationale, Pap Ndiaye, visiblement élu. "Ce drame montre à quel point la lutte contre le harcèlement scolaire doit demeurer une priorité du gouvernement".

Fin mai, quatre autres mineurs ont été mis en examen pour "harcèlement scolaire ayant conduit au suicide" après qu'une adolescente de 13 ans, Lindsay, se soit donné la mort le 12 mai à Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais).