Son fils a été tué dans le cadre d'un trafic de stupéfiants : "Ils nous ont amputés"

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Léa Beaudufe-Hamelin
Dans la nuit du samedi 7 janvier 2017, Bilal, le fils de Lamia a été tué pendant un trafic de produits stupéfiants qui a mal tourné. Il avait 18 ans. Au micro d’Olivier Delacroix, sur "La Libre antenne" d’Europe 1, Lamia raconte les circonstances de la mort de son fils et les événements qui ont suivi.
TÉMOIGNAGE

Bilal, le fils de Lamia avait 18 ans lorsqu’il a été tué pendant une transaction de produits stupéfiants qui a mal tourné. L’assassin de son fils n’a pas été arrêté puisqu’il aurait réussi à prendre la fuite en Tchétchénie. Ce dernier envoyait alors des vidéos sur les réseaux sociaux où il insultait Lamia et ceux qui la défendaient. Au micro de "La Libre antenne", sur Europe 1, Lamia raconte à Olivier Delacroix le soir de la mort de son fils et son parcours de deuil.

"J’habite à Angers et je suis originaire de Tétouan au Maroc. Je suis mère de famille. Je dis toujours que j’ai cinq enfants. On avait quitté un quartier sensible pour habiter dans un quartier calme. C’était le samedi 7 janvier 2017, une journée normale. Bilal, mon fils aîné, devait assister au mariage d’un de ses amis ce soir-là. Il est sorti. La journée passe, Bilal n’est pas rentré à la maison. À 21h30, j’ai eu l’impression de recevoir un coup de poignard dans les tripes, l’instinct maternel. Je suis allée m’allonger, je ne me sentais pas bien.

" J’ai vu le sang de mon fils par terre "

À 22h, mon deuxième fils a reçu un message disant : "On a tiré sur ton frère. Dis à tes parents d’aller aux urgences." J’ai laissé mes trois petits derniers et je suis partie aux urgences en chemise de nuit. On nous a fait attendre trois quarts d’heure. J’étais calme. Je pensais qu’il avait reçu une balle dans le bras ou dans le pied. Les médecins sont arrivés, ils étaient silencieux. Ils nous ont dit : "Nos condoléances, votre fils est mort. Nous n’avons pas pu le sauver".

Mon mari s’est mis à pleurer et à hurler. Je suppliais le médecin pour que je puisse voir mon fils chaud avant qu’il entre à la morgue. Il a été très dur et m’a dit : "C’est un homicide, vous n’avez pas le droit de le voir". Je n’ai pas vu Bilal ce soir-là. Avant de rentrer à la maison, nous sommes allés sur les lieux du drame. J’ai vu le périmètre de sécurité et le sang de mon fils par terre. C’est affreux. Je pleurais, mais je me disais que c’était un cauchemar et que j’allais me réveiller.

" La rue devient ta deuxième maman "

Le plus dur, ça a été de l’annoncer aux trois derniers. Bilal, c’était leur grand frère adoré. Je m’en rappellerai toujours, ils se sont cachés le visage dans les couvertures pour que je ne les vois pas pleurer. Le mardi, j’ai enfin reçu l’autorisation de voir mon fils à la morgue. J’étais apaisée de voir Bilal beau et souriant. C’est dur de faire ses adieux à son fils de 18 ans. Je suis allée au Maroc pour enterrer mon fils. Je suis restée là-bas 40 jours selon les traditions.

Bilal n’a jamais fait de prison. J’ai donné à mes enfants l’éducation que mes parents m’avaient donnée. Mais dans certains quartiers, la rue devient ta deuxième maman. Mon fils n’était pas un saint, il a fait de petites conneries. La rue, ce sont les mauvaises fréquentations et l’argent facile. Chaque maman a peur pour son enfant. Je le surveillais à la maison. Je sais qu’il avait commencé à fumer un peu de cannabis.

" L’assassin m’insultait sur les réseaux sociaux "

Je suis revenue en France et j’ai enfin appris ce qu’il s’était vraiment passé. J’ai appris que l’assassin avait réussi à prendre la fuite. Ils étaient deux, d’origine tchétchène. L’assassin a réussi à aller jusqu’à Grozny. Le complice de l’assassin a passé un an en prison et est sorti sous contrôle judiciaire. L’assassin aurait pu prendre la fuite et se taire, mais il m’insultait sur les réseaux sociaux. Il envoyait des vidéos où il faisait des doigts d‘honneur qui m’étaient adressés. Il a fait une vidéo où il insultait les gens qui prenaient ma défense.

J’ai appris que mon fils avait ramené 4 kilos de cannabis mélangé à de la paraffine. Ils voulaient s’arnaquer. L’assassin venait du Mans avec une arme et de faux billets. Ils se sont battus dans la voiture. J’ai lu le rapport d’autopsie. Ils ont fracassé la tête de Bilal qui a fait un début d’hémorragie. C’étaient des boxeurs. Ils ont tiré sur mon fils et l’ont tué. J’ai vu le sang de mon fils dans la nuit du 7 au 8 janvier 2017.

À mon retour du Maroc, je suis restée alitée pendant presque cinq mois. Je me suis levée pour Bilal, pour m’occuper de mes enfants et pour essayer de reprendre une vie normale, même si c’est impossible. Le mardi 10 janvier, à la morgue, j’avais promis à Bilal de tout faire pour que l’assassin soit arrêté. C’était une promesse de maman, je n’ai pas pu tenir. Toutes les nuits, j’imagine la scène. On survit, mais ils nous ont amputés. J’ai créé une association, "Nous sommes tous Bilal", qui fait de la prévention sur les dangers de la rue."