Ses parents l’ont forcé à épouser une autre femme alors qu’il était en couple

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Léa Beaudufe-Hamelin
Alors que Djeloul était en couple avec Esther depuis trois ans, ses parents, opposés à cette relation, l’ont forcé à épouser une autre femme en Algérie. Esther et Djeloul racontent à Olivier Delacroix comment les pressions familiales ont eu raison de leur histoire d’amour.
TÉMOIGNAGE

Quand Esther et Djeloul se rencontrent sur Internet, ils tombent tout de suite amoureux. Mais malgré trois années de vie commune, leur union n’a jamais été acceptée par la famille de Djeloul car Esther n’est pas de confession musulmane. Pour Djeloul, la pression familiale est trop grande. Il finit par céder et épouse une femme choisie par ses parents. Après son mariage, Djeloul retrouve Esther. Mais quand il apprend que sa femme est enceinte, il décide une nouvelle fois de rompre. Le couple raconte son histoire d’amour interdite à Olivier Delacroix.

Esther se souvient de sa rencontre avec Djeloul : "Ça a été un coup de foudre entre nous. On a eu le feeling et on s'est embrassés. Ça a été très vite. Ce n'était pas du tout prévu. C'est un homme galant et très attentionné. Ce sont des qualités qu'on trouve chez peu de personnes malheureusement. Et puis, il n'est pas moche. Je pense qu’il n’était pas attaché à moi au début. Il ne me l'a jamais dit, mais on le ressent. Je crois que c'est ce qui m’a plu. Il était inaccessible.

Quand je l'ai rencontré, il m'a dit dès le premier rendez-vous : 'Je te préviens, je crois en Dieu. Je suis musulman pratiquant'. Il m'a tout expliqué dès le départ. C’est ce qui m'a plu parce que je n'y connaissais pas grand chose. Je crois en Dieu, mais Djeloul m’avait dit : 'Tu sais, ça sera difficile parce que tu n'es pas musulmane et tu as déjà des enfants'. Il m’a fait comprendre qu’il voulait rendre ses parents fiers. Il fallait que je sois la femme dont ses parents ont rêvé."

" Aucun projet ne se mettait en place "

Djeloul confirme les dires d’Esther au sujet de leur première rencontre : "Je n'ai pas eu de déclic avec Esther dès le début. C'est petit à petit, avec la complicité, qu'est venu l'amour. Je me suis dit que tout ce que je voulais et ce qu'on voulait pour moi, elle l’avait. Mes parents m'ont mis en garde : 'Est-ce qu'elle va réagir toujours positivement par rapport à notre mode de vie ? Et surtout, est-ce qu'elle sera prête à accepter la religion musulmane ?'"

Esther poursuit : "On a vécu pendant trois ans en union libre. Il vivait toujours chez ses parents. Au bout de trois ans, je voulais concrétiser les choses. On s'aimait et tout se passait à merveille, mais aucun projet ne se mettait en place. Il n’y avait pas de bébé ou de mariage, alors que pour moi, c'est important pour construire une nouvelle vie. On s’est installés ensemble. Tout se passait très bien sauf que Djeloul passait beaucoup de temps chez ses parents. Je le lui reprochais, même si on s'entendait très bien."

" La couleur de peau et l'origine, ce n'est rien "

Pendant ces trois années de vie commune, Esther n’a rencontré qu'à deux reprises les parents de Djeloul. Leur deuxième rencontre s’est très mal passée, se souvient Esther : "Sa mère m'a dit : 'Tu laisses mon fils tranquille'. J’ai été très choquée parce que sa mère ne m'avait jamais montré ce visage." Djeloul poursuit : "Ça a été un clash total. Elle a été reçue comme du poisson pourri. Elle voulait être humble, gentille, serviable et on l'a descendue pour me donner cette image négative d'elle, parce qu’ils ne veulent pas accepter les différences. 

Ma famille n’a jamais accepté Esther. Ils ont toujours voulu me donner une fausse image d'elle parce qu'ils ne la connaissent pas. Il n'y a que moi qui peux la connaître. Je ne comprends pas comment ils peuvent juger. J'ai joué cartes sur table : 'Vous voulez que je me mette avec une musulmane ? Quelles sont les qualités ? Si j'ai trouvé une personne qui a toutes ces qualités, la couleur de peau et l'origine, ce n'est rien. Si elle a toutes les qualités requises, pourquoi vous ne l'acceptez pas ?'"

" J'ai abandonné Esther et je m'en veux "

La pression familiale s’est alors accentuée, confie Esther : "Djeloul m'avait souvent dit qu’il y aurait des difficultés si on restait ensemble, mais j'étais loin de m'imaginer à quel point ça allait être difficile. Pendant les vacances, sa mère l'appelait tous les jours, chose qu'elle ne faisait jamais quand on habitait ensemble. J'ai demandé à Djeloul pourquoi. Il s'est énervé et m'a dit : 'C'est ma mère, si elle veut m'appeler tous les jours, elle le fait. Tu ne vas pas te mettre entre elle et moi.'"

Djeloul poursuit : "Ma mère a senti que je pouvais m'échapper. Elle appelait tous les jours pour me dire qu’elle pouvait me présenter une femme qui pourrait me chérir et m’embellir. J’avais déjà ça avec Esther. En fin de compte, j'ai cédé parce que je me suis dit que c’étaient mes aînés et qu'ils ne me voulaient pas de mal." Après avoir vécu pendant 25 ans en France, Djeloul a accepté de retourner en Algérie pour se marier avec cette femme. 

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Djeloul a prétexté le mariage d’un cousin pour partir et n’a plus donné signe de vie à Esther : "C'est de l'abandon. J'ai vraiment abandonné Esther et je m'en veux. Du jour au lendemain, je suis parti en Algérie. Je me suis marié. J'ai fait venir ma femme en France pour pouvoir vivre avec elle ici. Pour moi, c'était important qu'elle soit là parce que sinon je n'allais pas tenir. Je sentais que j'allais retrouver Esther. Ma mémoire allait me remettre une gifle et me dire : 'Ce n'est pas elle que tu aimes, c’est Esther’'"

Esther tente alors d’oublier Djeloul : "Au moment où je ne donne plus de signe de vie, Djeloul réapparaît dans ma vie, alors que ça va mieux et que je tourne la page. Il dit qu’il regrette, sans me dire ce qu'il s'est passé. On continue à se voir secrètement, parce que j'ai honte. Il est parti du jour au lendemain, tout le monde pense que c'est un salaud, ma famille m'a vu souffrir, et je retourne avec lui. Ma sœur comprend qu'on continue à se voir. Elle est évidemment contre. Elle m’apprend qu’il est marié. Ça a été une claque, parce que pour moi, un mariage, c'est important."

Djeloul explique pourquoi il a caché son mariage à Esther : "Je n'aime pas le terme 'mentir'. Je lui ai caché des choses pour éviter de la blesser. Une femme sensible comme Esther, c'est facile de lui faire mal. Je dois la protéger. Tout est de ma faute. Quand j'ai dit 'oui', ça a été l'erreur de ma vie. Mais pour moi c'était comme une obligation. Je suis l'aîné de la famille. Je dois montrer l'exemple. Je ne dois pas donner une mauvaise image de notre famille. Je l'ai accepté par amour pour ma famille et pour éviter qu'on me dise : 'Je te renie, tu n’es plus mon fils'."

" Je lui ai pardonné "

Finalement, Djeloul a quitté sa femme et est revenu s’installer avec Esther. Elle lui a pardonné, confie-t-elle : "C’est une semi-liberté parce qu’il est toujours marié. Ce n'est pas une liberté entière. C'est sur la bonne voie. Je ne lui en veux pas de tout ce qu’il s'est passé. Je lui ai pardonné parce que je peux comprendre que ça n'a pas été facile de son côté. Je ne ressens pas de colère. C'est plutôt de l'incompréhension vis à vis de sa famille. Pourquoi tant de mépris vis-à-vis de moi ? Je ne comprends pas. Ce qui compte, c'est son équilibre et son bonheur."

Djeloul se soucie de la réaction de ses parents : "J'ai encore du tracas parce que je sais que de l'autre côté, ça pleure et ça parle. J'ai les oreilles qui sifflent. Je sais qu’ils vont essayer de trouver une solution pour que je craque. C'est pour ça que j'ai besoin du soutien d'Esther." Elle poursuit : "D'habitude, je suis optimiste, mais là, je suis toujours dans le doute. Quand il aura divorcé, on se mariera et on aura un enfant. Là, je me dirai que notre noyau est solide. Avec tout ce que je me suis pris, s’il flanche à nouveau, ce sera peut-être la fois de trop."

" J’ai de la compassion pour cette femme "

Mais une nouvelle épreuve attend le couple. Djeloul apprend que la femme qu’il a épousée en Algérie est enceinte. Pour Esther, l’annonce de cette grossesse est un nouveau choc : "Pourquoi a-t-il fait un enfant si vite ? Ils l'ont piégé. Je suis obligée de le penser. Pour eux, le mariage, c'est sans retour. Quand on se marie, ce n'est pas pour divorcer. Pour eux, ce bébé, c’est le double tour dans la serrure de la prison dans laquelle ils l’ont enfermé. 

Je ne me sens pas fière d’avoir cassé ce mariage, comme pourrait le penser sa famille. J’ai de la compassion pour cette femme, bien qu’elle ait eu un enfant avec l'homme que j'aime. Je ne suis pas jalouse d'elle. Je ne lui en veux pas. Je me dis qu’elle est victime tout comme moi dans cette histoire, victime des traditions et de l'emprise de la famille. Elle ne connaît pas encore l’amour. L'amour, ce n'est pas unilatéral, c'est dans les deux sens."

" Ils m'ont eu à l'usure "

Djeloul a finalement choisi de retourner vivre avec sa femme et son enfant. Il explique les raisons de son choix : "J’ai cédé pour ne plus avoir de pression, de reproches et de culpabilité envers ma famille. Ils m'ont eu à l'usure. J'ai été usé psychologiquement. Je culpabilise par rapport à tout le monde. Si j’avais été ferme dès le départ avec mes parents, je n'aurais jamais causé de tort. Quand on se marie, les parents donnent aussi leur parole. Je ne veux pas salir ma famille. J'accepte qu'on dise des choses sur moi, mais je n'accepterais pas qu'on dise du mal de ma famille."