Les opinions peuvent désormais figurer sur les fiches de police des personnes menaçant la sureté de l'Etat. 1:20
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Gwladys Laffitte, édité par Laetitia Drevet
Le gouvernement a élargi, dans trois récents décrets, le champ des données personnelles que peuvent recueillir les forces de l'ordre contre les personnes ou associations soupçonnées "d'atteinte à la sûreté de l'Etat", suscitant l'inquiétude des défenseurs des libertés publiques et les réserves de la Cnil. 

Délit d'opinion pour les uns, lutte contre le terrorisme pour les autres. Les protestations se multiplient après la publication discrète de trois décrets au Journal Officiel permettant d’élargir le champs des informations contenues dans trois fichiers de police et de gendarmerie sur les personnes soupçonnées "d'atteinte à la sûreté de l'Etat". Outre leurs activités, leurs opinions politiques, philosophiques, religieuses ou encore leur appartenance syndicale pourraient désormais y figurer.

Auparavant, seul le fait de militer pour une cause pouvait être inscrit sur une fiche de police, alors qu’il suffit aujourd’hui d’en être sympathisant. Autre nouveauté : ces fichiers ne concernent plus seulement les personnes ciblées, mais aussi leurs amis, famille et leurs enfants. On y trouvera par ailleurs des photos et même des commentaires laissées sur n'importe quel réseau social.

"Ce qui importe c'est ce que les gens font"

Des décrets disproportionnés, s'inquiète Nils Monsarrat, secrétaire national au syndicat de la magistrature. "Peu importe ce que les gens pensent, ce qui importe c’est ce qu’ils font. Cela accrédite l’idée qu’il faut prévenir toujours plus. Et au nom de la prévention généralisée, on arrive à avaliser des choses qui ne sont pas acceptables dans un état de droit et dans une démocratie."

Du côté du ministère de l’Intérieur, on assure que ces décrets répondent à un besoin opérationnel dans la lutte contre le terrorisme. Pas question de surveillance de masse, soutient Gérald Darmanin. Mais ces arguments ne convainquent pas syndicats et associations qui craignent la création d'un délit d'opinion et envisagent pour certains de saisir le Conseil d’Etat.

La CNIL s’alarme aussi. Le gendarme de la protection de la vie privée, dont l'avis n'est que consultatif, a précisé qu'elle n'avait pas pu se prononcer sur l'élargissement des fichiers aux opinions car cela ne figurait pas dans le projet qui lui a été soumis par le gouvernement.