Saint-Etienne-du-Rouvray : que sait-on de l'attentat ?

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L’enquête sur l’attentat perpétré dans une église a débuté, tandis que les politiques multiplient les déclarations.

Moins de deux semaines après le carnage de Nice, l’organisation Etat islamique a une nouvelle fois frappé la France. Deux hommes ont pris d’assaut mardi une église à Saint-Etienne-du-Rouvray, en Seine-Maritime, avant d’égorger le prêtre qui y officiait. Les enquêteurs tentent depuis de retracer le parcours des deux terroristes tandis que les politiques se demandent comment éviter qu’un tel drame se répète.

Que s’est-il passé mercredi à Saint-Etienne-du-Rouvray ? Vers 9h25, deux hommes pénètrent dans cette église de l’agglomération rouennaise en pleine messe matinale. Six personnes sont alors dans l’édifice : un prêtre, trois religieuses et un couple de paroissiens. Alors que les deux assaillants égorgent le prêtre, l’une des religieuses parvient à prendre la fuite et à donner l’alerte. Arrivés quelques minutes plus tard, les forces de l’ordre tentent de pénétrer dans l’église, en vain : les deux assaillants se protègent derrière les cinq otages restants. Alors que les policiers sont devant l’édifice, les trois otages sont "sortis de l'église suivis des deux terroristes, l'un d'eux portant une arme de poing, s'élançant sur les forces de police aux cris d'Allah Akbar", a déclaré le procureur de Paris, François Molins. Les policiers de la Brigade de recherche et d'intervention (BRI) de Rouen les ont alors abattus. Les deux assaillants étaient équipés de trois couteaux mais aussi de "faux engins explosifs" et d'une arme de poing qui était probablement inopérante.

Quel est le bilan de cet attentat ? Les deux terroristes ont fait deux victimes mardi : le prêtre auxiliaire Jacques Hamel, âgé de 86 ans et égorgé en pleine célébration, et un croyant, gravement blessé mais dont les jours ne sont plus en danger. Les hommages se multiplient pour célébrer la mémoire d’un prêtre décrit comme proche de ses paroissiens et engagé dans le dialogue interreligieux.

Qui sont les assaillants ? Les enquêteurs n’ont pour l’instant identifié qu’un seul des deux assaillants : un homme de 19 ans et originaire de la région. Ce dernier n’est d’ailleurs pas un inconnu de la justice et portait un bracelet électronique au moment des faits. En effet, ce Français né en 1997 avait basculé dans l’islam radical après les attentats de mars 2015, un déclic qui l’avait poussé à tenter de rallier la Syrie par deux fois. Une première fois en mars via l'Allemagne, alors qu'il était mineur, mais il avait été interpellé. Une seconde en mai alors qu'il était majeur via la Suisse, puis la Turquie où il avait été arrêté. Mis en examen dès mars 2015 pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, il avait été placé en détention provisoire à l'issue de sa deuxième tentative, puis libéré en mars 2016 et assigné à résidence sous bracelet électronique.

"Pour le second, l’identification est toujours en cours", a précisé mercredi Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, au micro d’Europe 1. La motivation des deux assaillants s’est néanmoins précisée : les deux terroristes ont enregistré un message juste avant de tuer le prêtre et leur acte a été rapidement revendiqué par l’organisation Etat islamique.

Pourquoi n’était-il pas en prison ? Le jeune homme n’était pas considéré comme un terroriste mais comme un candidat au djihad n’ayant pas pu rallier la Syrie. Les juges avaient donc décidé de lui laisser une dernière chance avec un bracelet électronique en se basant sur plusieurs éléments favorables : ses parents étaient investis et souhaitaient l’encadrer, il avait un solide projet d'insertion et déclarait avoir tourné la page.

Ce régime est néanmoins exceptionnel : la grande majorité des 285 suspects actuellement mis en examen dans des dossiers terroristes sont incarcéré dans l’attente de leur jugement, seuls 21 ne sont pas derrière les barreaux.

Où en est l’enquête ? Elle a été confiée à la Sous-direction antiterroriste et à la Direction générale de la sécurité intérieure.Les investigations se poursuivent pour identifier le second assaillant et passer au peigne fin l’entourage du premier.. Un mineur, algérien, a d’ailleurs été placé en garde à vue mercredi mais "les premiers éléments qui apparaissent montrent qu'il n'y a pas de liens entre cet individu et ce qui s'est passé hier" (mardi), a précisé le ministre de l'Intérieur sur Europe 1.

Comment a réagi le gouvernement ? "Tuer un prêtre, c'est profaner la République", a déclaré mardi soir François Hollande, rappelant que l’Etat était le garant de la liberté de culte. "L'objectif" de l'attentat est de "jeter les Français les uns contre les autres, s'attaquer à une religion pour provoquer une guerre de religions", a ajouté Manuel Valls. Le président de la République a d’ailleurs reçu mercredi matin les membres de la conférence des représentants des cultes, qui réunit les Eglises catholique, orthodoxe, protestante, ainsi que les représentants de l'islam, du judaïsme et du bouddhisme en France.

Le gouvernement a en revanche écarté l’idée de légiférer dans un avenir proche. "Nous n'allons pas inventer une nouvelle loi à chaque attentat. (…) Ce qui compte dans la lutte contre le terrorisme, c'est bien sûr faire bloc mais c'est aussi la persévérance. Ceux qui diraient aujourd'hui qu'une loi ou un dispositif permettrait d'éviter un attentat se tromperaient et mentiraient aux Français", a déclaré le Premier ministre.

Et l’opposition ? Dans un climat politique déjà électrisé par l'attentat de Nice, l'opposition a critiqué la politique antiterroriste du gouvernement. "Nous devons être impitoyables. Les arguties juridiques, les précautions, les prétextes à une action incomplète ne sont pas admissibles", a fustigé le président du parti Les Républicains, Nicolas Sarkozy, avant de demander l’élaboration de nouvelles sanctions "sans délai". Tout aussi critique, l’extrême-droite a accusé le gouvernement de "ne pas agir" et renvoyé Nicolas Sarkozy dans le camp des "laxistes". Si l’utilité de nouvelles lois fait débat dans le corps politique, un autre sujet est réapparu depuis : la réforme du renseignement français et l’importance du renseignement humain, délaissé au profit de la surveillance électronique.