Sa fille a été enlevée par son ex-mari parti faire le djihad en Syrie : "Lila ne m'appelait plus maman"

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Séverine Mermilliod , modifié à
Depuis 2017, Magali Laurent, autrice de "Reviens, Lila" chez Grasset, n'a plus de nouvelles de sa fille, enlevée par son ex-mari en 2015 quand il est parti faire le djihad en Syrie. Elle a raconté son combat au micro d'Europe 1 mardi.
TÉMOIGNAGE

"Je l'ai vue perdre sa langue maternelle au fur et à mesure des mois". Magali Laurent, autrice de "Reviens, Lila" chez Grasset, a livré sur Europe 1 mardi le récit glaçant d’une mère qui se bat pour retrouver sa fille, enlevée par son ex-mari en 2015, parti faire le jihad en Syrie. Elle a peu à peu perdu le contact avec eux, son ex-mari s'étant remarié et rendant les échanges difficiles. Depuis 2017, elle n'a plus aucune nouvelle ni de l'un ni de l'autre. 

"J'ai vu que je la perdais"

"Lila ne m'appelait plus maman", a-t-elle témoigné. "Il s'était remarié, il avait instauré dans sa tête "Magali", alors elle m'appelait Magali". Des échanges douloureux d'autant plus que, nous apprend sa maman, "Lila ne parlait pratiquement plus le français. Je parlais, son père faisait la traduction; Lila me répondait en arabe et il faisait la traduction donc ça créait une grande distance."

Une fois, lors d'un de leurs échanges, Magali lui montre des souvenirs par vidéo : "Quand j'ai vu que je la perdais, j'ai pris ses petites affaires, ses livres qu'elle aimait, ses coloriages, son cartable, et je lui ai montré pour raviver ses souvenirs, qu'elle se rappelle d'où elle venait. Je lui parlais de la tour Eiffel, parce qu'elle adorait la voir scintiller, de la ville où on habitait... Cela lui avait ravivé beaucoup de choses, si bien qu'à la fin de la conversation son père avait voulu couper. Il avait vu que ça la perturbait. Ça a été nos derniers échanges parce qu'après cela il ne me l'a plus montrée." Ces derniers échanges par vidéo datent de fin 2016. Et dès 2017, elle n'a plus de nouvelles du tout.

"Qu'elle ait accès à ma vérité"

Magali ne sait pas si sa fille est encore vivante, car elle suspecte que son ex-mari est mort dans des bombardements, mais elle dit continuer "d'espérer. Je sais que lui s'était remarié à une femme, mais je n'ai aucune information. Peut-être que cette femme a réussi à s'enfuir, qu'elle s'est réfugiée quelque part, ou s'est retrouvé dans les camps, même si c'est le pire scénario pour moi qu'elle soit dans les camps." Elle confie même avoir préféré que sa fille ne soit plus là plutôt qu'enfermée dans ces camps : "Quand on voit ce qui se passe sur place, l'horreur du terrain, c'est un déchirement de savoir que sa fille est potentiellement là-bas et des fois oui, je l'ai pensé..."

Si elle a voulu livrer ce témoignage écrit, avec "Reviens, Lila", c'est avant tout pour sa fille dit-elle. "Je ne veux surtout pas qu'on dise "c'est une fille de jihadiste" (...) C'est pour laisser une trace d'elle, qu'elle ait accès à ma vérité parce qu'elle n'a eu qu'une version de son père... Qu'on sache qu'elle a été une victime broyée par les djihadistes, ce fléau, et qu'on n'oublie pas". Elle a également tenu à remercier les personnes qui s'occupent de ce dossier : "L'instruction est toujours en cours mais énormément de choses sont faites. Ils ne lâchent pas l'affaire et pour moi c'est très important de voir qu'ils ne la laissent pas tomber. Ils ont été professionnels et humains".