Rixes entre bandes : les jeunes "ne connaissent que trop rarement l'incarcération"

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Ugo Pascolo , modifié à
Invité d'"Europe Soir", mercredi, le capitaine Hervé Moreau revient sur les violences entre bandes rivales survenues ces dernières semaines en France. Pour ce gendarme, la justice est trop laxiste envers les auteurs de ces violences, mais aussi envers les délinquants en règle générale.
INTERVIEW

Saint-Chéron, Boussy-Saint-Antoine, Champigny-sur-Marne, et plus récemment le 16e arrondissement de Paris… Depuis plusieurs semaines, le phénomène des rixes entre bandes défraie la chronique et trahit une montée de la violence en France, selon le capitaine de gendarmerie Hervé Moreau. D'après ce Saint-Cyrien de 51 ans, dont plus de 30 ans en service actif à Beaune, "les malfrats et les délinquants se croient tout permis". "Et ils ont raison, puisqu'ils ne connaissent que trop rarement l'incarcération." Ils "usent et abusent" du système judiciaire, nourrissant de fait "la faiblesse de l'État", fustige le militaire au micro d'Europe Soir.

"Les délinquants sont remis en liberté et ils recommencent"

Aux chiffres officiels qui indiquent que 90% des peines prononcées sont effectuées, le gendarme oppose la nature des peines. "Ce sont des rappels à la loi, des peines avec sursis, les délinquants sont remis en liberté et ils recommencent. Tous les gendarmes et policiers de France vous affirmeront ça", rétorque-t-il. Et d'avancer que sur les "400.000 actes délictuels ou criminels d'atteinte aux personnes commis en France chaque année, 15.000 personnes sont incarcérées."

Un chiffre loin d'être suffisant, selon le capitaine, également auteur de Vérités d’un capitaine de Gendarmerie, qui dénonce le laxisme du système judiciaire français. Alors que le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti, clamait mardi dans la matinale d'Europe 1 qu'il fallait "arrêter de diffuser le sentiment que la justice est laxiste", Hervé Moreau persiste et signe en se fiant à son expérience. "Je suis officier de terrain et je connais la réalité", affirme-t-il, taclant en creux le ministre. 

"Je suis confronté aux victimes, je ne sais que trop à quel point elles n'obtiennent pas réparation à l'issue du cheminement judiciaire, à quel point ceux qui leur font du mal sont quasi systématiquement relâchés." De là à dire que son quotidien de gendarme consiste à arrêter des personnes qu'il va voir en liberté quelques heures ou quelques jours plus tard ? "Oui", répond le Saint-Cyrien sans hésitation. 

"Parler vrai" face à la hausse de la violence

Pour expliquer un tel phénomène, Hervé Moreau pointe dans son viseur le droit des peines, qui "conduit à des aménagements de peines et maintient les délinquants en liberté". Une véritable "catastrophe" selon lui. S'il reconnait toutefois que les places de prison sont manquantes, n'aidant en rien le travail des magistrats, le capitaine estime qu'il est temps de "parler vrai" face à la hausse de la violence. "Les malfrats sont systématiquement remis en liberté quoi qu'en disent les juges, donc ils continuent de récidiver, de frapper, de harceler, et c'est insupportable."