Crise du coronavirus : des conséquences "potentiellement positives" pour l'école

Le président du conseil scientifique de l'Éducation nationale estime que des leçons peuvent être tirées de la crise pour améliorer la pédagogie en France.
Le président du conseil scientifique de l'Éducation nationale estime que des leçons peuvent être tirées de la crise pour améliorer la pédagogie en France. © AFP
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Séverine Mermilliod
Stanislas Dehaene, chercheur en neurosciences cognitives et président du conseil scientifique de l'Éducation nationale, estime sur Europe 1 que "les conséquences sur l’institution" de la crise du coronavirus sont "potentiellement positives", en permettant de réfléchir différemment à la pédagogie.
INTERVIEW

Avec le déconfinement, la vie reprend petit à petit son cours normal et l'enseignement aussi. Les élèves des classes élémentaires ont repris le chemin de l'école, et pour Stanislas Dehaene, chercheur en neurosciences cognitives et président du conseil scientifique de l'Éducation nationale, "c'est une bonne décision de faire rentrer en premier les petits" car "les années les plus précoces comptent le plus". Mais la période est surtout, selon lui, l’occasion d’aller vers de nouveaux modes d’apprentissage.

"L'intérêt des outils numériques est multiple"

"Au niveau du conseil scientifique, nous proposons des solutions, des aides pour les enseignants, des recommandations pédagogiques et scientifiques pour pouvoir mesurer ce qui s’est passé, que les conséquences soient négatives ou positives", relate Stanislas Dehaene au micro de Patrick Cohen, sur Europe 1. "Et les conséquences sur l’institution me paraissent potentiellement positives". Selon lui en effet, la crise du coronavirus actuelle, qui a vu "une mobilisation extraordinaire de l'immense majorité des acteurs, pas seulement de l'Education nationale mais aussi des acteurs numériques (canopée, cned...) pour les enfants du pays", est l'occasion de développer un enseignement différent.

Notamment grâce au numérique, dont l'intérêt des outils est "multiple", selon le spécialiste. "Ils permettent de compléter l’enseignement, de montrer qu'apprendre c’est amusant, qu'on peut apprendre en autonomie (lorsqu'on déclenche soi-même son propre apprentissage)", détaille-t-il. Car même si les outils numériques ne remplacent pas l’interaction humaine, rappelle Stanislas Dehaene, ils permettent "de proposer une pédagogie en complément de celle de l’école très personnalisée et pour 100% des enfants". "C'est un complément qui engage les familles et les enfants potentiellement 7 jours sur 7, si le logiciel est bien fait, comme un jeu".

Tirer les leçons de la période pour "rendre l'école plus sympathique"

D'après lui, "l’ensemble des disciplines scolaires peuvent aussi être mobilisées" pour expliquer l'épidémie et la situation actuelle aux enfants. Le conseil scientifique renvoie notamment les enseignants vers le site de La main à la pâte, qui fournit des outils aux enseignants pour aider les enfants à comprendre ce qu'est un virus, une épidémie, pourquoi les gestes qu'on leur fait faire sont utiles.

"On a vu énormément de graphs mathématiques. Un distance, sur un graphique, est un nombre. Cela ne va pas de soi de le comprendre, mais c'est quelque chose de fondamental pour les mathématiques donc profitons-en pour l'expliquer", exemplifie le chercheur. "Il y a donc une fonction d’éducation qui peut être faite autour de l’épidémie", d'autant plus que certaines informations qui ont circulé autour d'elle se sont révélées fausses.

Pour lui, il est donc question de démarche scientifique, mais aussi d'esprit critique. Et s'"il ne faut pas laisser l’enfant tout découvrir lui-même", rappelle Stanislas Dehaene, il faut des "activités guidées pour aller vers la compréhension d'un concept. C'est le moment pour les enseignants, puisque le temps est perturbé, de réfléchir aux concepts fondamentaux qu’on veut que l’enfant maîtrise à la fin de l’année". 

Il préconise aussi d'utiliser des vidéos éducatives pour motiver les enfants, dont "l'éducation classique pourrait s'inspirer. Il y a toutes sortes de nouveaux modes d'enseignement en train d'être expérimentés, je vois une créativité extraordinaire de la part des enseignants. Si l'on tire les leçons de cette période, on en sortira par le haut, avec une école plus bienveillante. C'est l’occasion de rendre l’école plus sympathique", ajoute-t-il.