Qu'est-ce que l'Agrasc, l'agence qui "prive les délinquants de leurs revenus" ?

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Ugo Pascolo, Chloé Triomphe
Invité d'Europe 1, le directeur de l'Agrasc, Nicolas Bessonne, décrit le fonctionnement de l'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, qui fête ses dix ans. Une entité peu connue du grand public qui confisque, gère et revend des biens mal acquis depuis 10 ans, ou qui les redistribue à certains services de l'État. 
INTERVIEW

Un hôtel particulier avenue Foch à Paris, un cheptel de 300 vaches dans le Jura ou encore un véhicule qui a servi pour transporter de la drogue... Les bien récupérés par l'Agrasc sont parfois surprenants. Peu connue du grand public, l'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués est pourtant redoutée des criminels. C'est elle qui a la charge de saisir et de confisquer les avoirs acquis dans des conditions frauduleuses. "On prive le délinquant de ses revenus et on renforce l'autorité de l'État puisqu'il y a une redistribution", résume au micro d'Europe 1 Nicolas Bessonne, directeur de l'agence qui fête ses 10 ans. 

Des biens divers...

Car au-delà de saisir, voire de confisquer des biens, l'Agrasc a également la charge de "les gérer et de les vendre le plus cher possible" explique-t-il. Et le travail ne manque pas puisque l'agence a battu en 2019 un record, prenant dans son giron pour 253 millions d'euros de biens, dont la moitié arrive directement dans les caisses de l'État. Dans le haut du tableau de chasse de cette agence, on retrouve par exemple un hôtel particulier de la très prestigieuse avenue Foch à Paris qui appartenait au fils de Teodoro Obiang, le président de la République de Guinée équatoriale. Un immeuble, confisqué dans le cadre de l'affaire des bien mal acquis, valorisé à hauteur de 200 millions d'euros.

... qui servent parfois à la police ou à la justice

Mais le quotidien de l'Agrasc n'est pas fait que de paillette et d'hôtels luxueux. L'agence doit également se charger du recouvrement d'un restaurant qui servait de lieu de culture de cannabis, d'appartements lyonnais qui voyaient défiler la clientèle des prostituées qui y logeaient, ou encore d'objets du quotidien. Ainsi, l'ordinateur d'un pédocriminel peut devenir celui d'un magistrat, après avoir été vidé de "tous les éléments négatifs", précise le directeur. Idem, "un go fast [un véhicule rapide qui sert pour transporter de la drogue, ndlr] peut être affecté à la brigade de recherche et d'intervention".

"C'est vertueux : ça ne coûte rien à l'administration et ça la met à niveau quand il faut faire des courses poursuites pour arrêter les malfaiteurs", précise Nicolas Bessonne. Et tandis que l'agence souhaite se déployer localement, une proposition de loi veut que ses hommes puissent directement prendre possession de locaux confisqués pour s'y installer. "Je trouve que ça aurait beaucoup de sens, la boucle serait bouclée."

"Le délinquant vous vole et l'État vous rend ce qui vous a été volé"

Sur le fonctionnement global de l'agence, Nicolas Bessonne estime "qu'il y a une vraie dimension symbolique et de sanction, notamment en matière de trafic de stupéfiants". Dans le cas de lourdes condamnations, les trafiquants ont tendance à ne pas faire appel, mais "vont aller jusqu'à la cour de Cassation dès lors que vous leur saisissez leur villa ou leur voiture de sport. C'est une vraie belle sanction qui est également parlante pour le corps social." 

"L'idée est simple", ajoute-t-il. "Le délinquant vous vole et l'État vous rend ce qui vous a été volé." Depuis sa création l'agence, dont la devise est "nul ne doit tirer profit de son délit", a traité environ 100.000 affaires qui correspondent à un moment total évalué à "1,3 milliard d'euros".