Fin du procès du scandale sanitaire du Mediator, le jugement sera rendu le 29 mars 2021

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avec AFP , modifié à
Le tribunal correctionnel de Paris rendra le 29 mars 2021 son jugement au procès des laboratoires Servier et de l'Agence du médicament, qui étaient jugés depuis le 23 septembre dans l'affaire du scandale sanitaire du Mediator.

Le tribunal correctionnel de Paris rendra le 29 mars 2021 son jugement au procès des laboratoires Servier et de l'Agence du médicament, qui étaient jugés depuis le 23 septembre dans l'affaire du scandale sanitaire du Mediator.

La défense du groupe pharmaceutique a une ultime fois, lundi, rejeté toute faute pénale dans l'affaire de ce médicament tenu pour responsable de centaines de décès, l'un des pires scandales sanitaires français, qui avait été révélé il y a dix ans par la pneumologue de Brest Irène Frachon.

Après "517 heures et quelques minutes d'audience", les juges vont "devoir mettre de côté l'émotion très forte (...) ressentie", a déclaré la présidente du tribunal Sylvie Daunis. "Car cette émotion ne doit pas être le guide de notre décision. Seul le respect du droit et de la procédure peuvent être le fil conducteur de notre réflexion, même si cela peut être difficile à entendre pour les victimes", a souligné la magistrate.

Plus de 6.500 personnes se sont constituées parties civiles à ce procès pénal "hors norme".

Réquisitions "extrêmement sévères"

En commençant sa plaidoirie de relaxe, l'un des avocats du groupe pharmaceutique, François de Castro, demande au tribunal correctionnel "un dernier petit effort" alors que le procès s'est ouvert des mois plus tôt, le 23 septembre. "Je ne serai pas bref", prévient-il en annonçant qu'il compte revenir sur "26 événements d'historique réglementaire" du Mediator, prouvant selon lui que les laboratoires Servier n'avaient pas connaissance de la toxicité et des risques de ce médicament.

Mis sur le marché en 1976 comme adjuvant au traitement du diabète, mais largement détourné comme coupe-faim, le Mediator a été prescrit à environ cinq millions de personnes pendant les 33 ans de sa commercialisation jusqu'à son retrait en novembre 2009. Il est tenu pour responsable de centaines de décès.

Le 23 juin, le parquet a appelé à sanctionner le "choix cynique" d'une firme ayant privilégié "ses intérêts financiers" à la santé des consommateurs du médicament, malgré "les risques qu'elle ne pouvait ignorer" et qu'elle a "délibérément" dissimulés. Un total de plus de 10 millions d'euros d'amendes a été requis contre six sociétés du groupe, jugées notamment pour "tromperie aggravée", "escroquerie" et "homicides et blessures involontaires". Une amende de 200.000 euros a par ailleurs été demandée contre l'Agence de sécurité du médicament, jugée aux côtés des laboratoires pour avoir tardé à suspendre la commercialisation du Mediator, alors que de premières alertes sur sa dangerosité ont été émises dès 1995 et que de premiers cas de graves maladies cardiaques ont été signalés en France en 1999.

"Ces réquisitions sont extrêmement sévères car elles ne tiennent pas compte de la réalité du dossier et des échanges d'informations entre les laboratoires Servier et les autorités de santé", juge Me François de Castro. L'Agence du médicament a toutefois admis une "part de responsabilité" dans ce "drame", l'un des pires scandales sanitaires français et ne sollicite pas de relaxe totale. "Je considère que l'Agence du médicament n'a pas commis de faute pénale", lance l'avocat des laboratoires, se proposant de "(se) faire le défenseur de l'autorité sanitaire", avant de tacler leur "système de défense qui est plutôt un système de défausse sur" Servier.

L'Agence du médicament "savait"

Livrant ses observations "en vrac" au tribunal, Me de Castro souligne que l'Agence du médicament avait "les données essentielles en mains, au plus tard en 1999".
Dès 1995, elle avait placé sous enquête de pharmacovigilance le Mediator, du fait de sa parenté chimique avec deux coupe-faims de Servier, l'Isoméride et le Ponderal, retirés du marché en raison de leurs graves effets indésirables.

L'Agence du médicament "n'ignorait rien de ce médicament, elle savait", appuie encore l'avocat de Servier. "Je ne veux pas que le tribunal puisse clore les débats en pensant que les laboratoires Servier sont dans le déni. Ils ne pensent pas être irréprochables dans cette affaire", assure François de Castro. Son confrère Hervé Temime devait plaider à sa suite. Le tribunal mettra ensuite son jugement en délibéré.