Plus de 40.000 téléphones et accessoires (chargeurs, cartes SIM...) ont été saisis dans les prisons françaises en 2017, un chiffre en hausse constante depuis dix ans, selon les derniers décomptes de la Direction de l'administration pénitentiaire (DAP). Les appareils entrent facilement en prison, par projection dans les cours de promenade ou via les parloirs, et circulent en détention à la faveur de divers trafics : ils sont "de plus en plus petits", "certains contiennent très peu de métal et sont pratiquement indétectables", précisent des sources syndicales.
Les fuites d'images prises en détention font fureur sur les réseaux sociaux. Mi-août, une enquête a été ouverte après la diffusion de photos et d'une vidéo du rappeur Kaaris, incarcéré à Fresnes après une rixe avec son rival Booba. Fin juillet, un surveillant de la maison d'arrêt de Nanterre, soupçonné d'avoir introduit dix téléphones portables dans l'établissement, a été mis en examen et suspendu de ses fonctions.
Près de 5.000 téléphones et accessoires saisis en 2007. En 2017, 40.067 téléphones et accessoires ont été saisis dans les 180 prisons françaises qui comptaient en fin d'année près de 70.000 détenus, contre 33.521 l'année précédente pour environ 68.000 détenus. Dix ans plus tôt, en 2007, les agents pénitentiaires avaient saisi 4.977 téléphones et accessoires.
La barre des 10.000 a été franchie en 2010, un chiffre déjà atteint aux trois premiers mois de 2018 avec 10.098 saisies au 31 mars, selon les chiffres de l'administration.
Le gouvernement compte sur le brouillage et les téléphones fixes. "Cette hausse est autant due à la hausse du nombre de ces objets en circulation dans les prisons qu’au fait que nous nous sommes améliorés en terme de saisies", explique la direction de l’administration pénitentiaire à Europe 1. La DAP comptabilise portables et accessoires ensemble car " il est tout aussi interdit de détenir une carte SIM qu’un portable. On constate également qu’il est fréquent qu’un portable arrive dans une cellule, serve à l’envoi de quelques SMS et vidéos avec la carte SIM d’un détenu, puis reparte en circulation vers d’autres cellules où il servira avec d’autres cartes SIM", ajoute la DAP.
Pour lutter contre cette prolifération, la ministre de la Justice Nicole Belloubet a annoncé en janvier le lancement de deux chantiers : d'une part le déblocage dès cette année d'une enveloppe de 15 millions d'euros pour "garantir un brouillage effectif" des portables, et d'autre part l'installation de 50.000 téléphones fixes en cellule, pour ne pas couper les détenus de leurs proches et favoriser la réinsertion.
Actuellement, on compte 804 brouilleurs en prison dont seuls 10% sont effectifs, rendus très vite obsolètes par les évolutions technologiques. Le premier établissement équipé simultanément de téléphones fixes et du nouveau système de brouillage sera la prison de la Santé, qui ouvrira ses portes le 7 janvier 2019, après quatre ans de travaux.