Prêtre accusé de viol à Versailles : "il me disait qu'il était un refuge de tendresse" confie sa victime

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Salomé Legrand, édité par Antoine Terrel , modifié à
En 2016, une paroissienne de Versailles avait porté plainte contre un prêtre qu'elle accuse de viol. Au micro d'Europe 1, elle raconte sa honte, l'emprise dont elle était l'objet et confie sa déception face au manque de soutien de l'Église. 
TÉMOIGNAGE

Elle espère que les juges "ne mettront pas en cause sa parole". En 2016, Marie (le prénom a été modifié), une mère de famille catholique pratiquante, avait porté plainte contre un ancien prêtre de sa paroisse, qu'elle accusait notamment de viol. Après avoir été mis en examen mi-mai pour "viol sur personne majeure", "harcèlement moral", "agression sexuelle sur mineure", et "sollicitation sexuelle envers une mineure de moins de 15 ans", le curé demande ce jeudi le retrait de sa mise en examen devant la Chambre de l'Instruction. De son côté, la victime présumée, aujourd'hui âgée de 45 ans, veut croire en la justice. "Il n'y a que la justice qui peut faire avancer les choses", sur ces dossiers d’abus sexuels dans l’Église, confie-t-elle au micro d'Europe 1. 

C’est alors qu’elle traverse une période de "détresse", notamment liée à plusieurs grossesses soldées par des morts in utero, que Marie accepte l’aide proposée par le curé de sa paroisse à Versailles, qu’elle croise tous les dimanches à la messe et qui est son confesseur. "C'était des rendez-vous une fois par mois", raconte cette mère de sept enfants. "J'avais besoin de raconter ma détresse et d'autres difficultés de couple ou avec mes nombreux enfants".

"Je suis devenue comme un objet"

Mais lorsque l'homme d'Église change de paroisse, leur relation évolue. "Insidieusement, j'ai été invitée une première fois pour un café, après à la messe en semaine pour aller déjeuner avec lui", raconte encore Marie, avant d'expliquer la relation de confiance qui la liait alors au curé. "C'était quelqu'un à qui j'avais donné toute ma confiance. Il connaissait l'intime de mon intime". Peu à peu, le prêtre continue ses tentatives de rapprochement, selon Marie. "Il m'invitait à toujours plus de proximité, notamment dans les mails, m'expliquant qu'il était 'un refuge de tendresse pour ma détresse'". 

"Quand ça a basculé physiquement, avec juste un câlin au départ, j'ai été enfermée dans ma honte", poursuit la plaignante, "petit à petit, je suis devenue comme un objet, jusqu'à une violence sexuelle (...) et l'introduction d'un objet". Et Marie de décrire "toute une série d'actes sous contrainte" qui auraient suivi. 

Entendu sur europe1 :
"Je n'ai eu aucun soutien"

"J'ai réalisé en parallèle qu'il avait une relation mal ajustée avec une de mes filles", confie la paroissienne. Un comportement qui vaut au prêtre les deux mises en examen pour atteinte sexuelle et sollicitation sexuelle, mais aussi harcèlement sur mineure de 15 ans". "Qu'il puisse toucher à un de mes enfants (...) ça a été le déclic dans ma torpeur", décrit-elle. C'est alors que le curé "a senti que je lui échappais et a resserré son étau, avec tout un stratagème de menaces, de mensonges et de chantages". 

En avril 2015, une amie de Marie prévient la hiérarchie du prêtre. Puis Marie elle-même, d’abord en septembre 2016, allant se confesser auprès du vicaire général "pour qu’il sache". Si le curé a bien été convoqué, la réaction de la hiérarchie "n'a pas du tout été la hauteur de ce que je pensais", regrette aujourd'hui Marie, qui avait pourtant "entièrement confiance en l'évêque". Selon Marie, le prêtre a "retourné l'histoire en disant que j'affabulais, que je cherchais à lui faire mal, à détruire sa réputation". "Je n'ai eu aucun soutien. La cellule des victimes m'a été refusée, pour ma fille aussi", s'indigne-t-elle encore. 

Le prêtre conteste les faits qui lui sont reprochés

En décembre 2016, après une audition de 2h30 auprès du vicaire général, au cours de laquelle l’employée laïque du diocèse l’incite à porter plainte, Marie se décide à aller avec sa fille se confier à la police. La plainte est déposée le 16 décembre 2012. Ce n’est qu’après que le prêtre sera suspendu. "Aujourd'hui je l'accuse de viol, j'ai eu du mal à réaliser tout ça. J'ai pris du temps dans la compréhension de cette emprise", analyse la mère de famille, pour qui cette affaire a changé son rapport à l'Église. "J'ai été profondément meurtrie dans la confiance que j'avais dans l'Église", explique-t-elle. Et de conclure, fataliste : "Si l’Église n’est pas contrainte de bouger, elle ne bouge pas".

De son côté, le prêtre "conteste farouchement" les faits qui lui sont reprochés, nie tout acte déplacés avec la fille de Marie, et ne reconnaît que des relations consenties avec cette mère de famille. Il dénonce « la rancœur » d’une femme aux "déclarations incohérentes" et demande l’annulation de sa mise en examen. "Aujourd’hui, il n’y a que la justice qui peut faire bouger les choses", espère quant à elle Marie, qui veut que cette histoire, "aussi sordide soit-elle, serve à d'autres victimes, à libérer la parole, notamment dans mon diocèse ou c'est vraiment sclérosé".