"Pilule de l'oubli" : "On obtient des résultats comparables à une psychothérapie"

Alain Brunet est à l'origine du protocole "Paris : mémoire vive".
Alain Brunet est à l'origine du protocole "Paris : mémoire vive". © Capture Europe 1
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Le psychologue canadien Alain Brunet a mené un protocole avec des victimes françaises d'attentats pour soigner leur traumatisme, avec des résultats probants. Il était sur Europe 1 pour en parler.
INTERVIEW

Trois Français frappés de plein fouet par le choc des attentats du 13-Novembre à Paris et du 14-Juillet à Nice ont récemment suivi un traitement expérimental, le protocole "Paris : mémoire vive". Au centre de ce traitement, ce qu'on appelle communément la "pilule de l'oubli", un médicament qui permet d'effacer la dimension émotionnelle des souvenirs traumatiques. Grâce au propranolol, "on obtient des résultats comparables à une psychothérapie ou pharmacothérapie", explique le docteur Alain Brunet, psychologue clinicien, spécialiste du traumatisme à l’Université McGill de Montréal, un des deux chercheurs à l'origine de ce protocole, invité de La vie devant soi, sur Europe 1.

Effacer l'émotion liée au trauma. "Dans le domaine du trauma, il existe des traitements efficaces, mais on peut faire encore mieux", est persuadé Alain Brunet. En l’occurrence, la "pilule de l'oubli". "Ce n'est pas un nom approprié. L'idée n'est pas de faire oublier aux gens ce qu'ils ont vécu mais de tourner la page. Ça consiste à se remémorer son trauma sous l'influence d'un vieux médicament bien connu, un bêtabloquant appelé propranolol. Petit à petit, le propranolol enlève la dimension émotionnelle liée à ce souvenir. Puisque le trauma émane d'un souvenir émotionnel, au fur et à mesure que l'émotion s'efface, les symptômes de stress post-traumatique s'évanouissent", explique le psychologue canadien.

Résultats probants. La thérapie se déroule sur six semaines, à raison d'une séance de 25 minutes hebdomadaire. Une heure avant le début de la séance, le médecin administre le médicament au patient. "On obtient des résultats comparables à une psychothérapie ou pharmacothérapie, en moins de temps", assure Alain Brunet. "Les événements du 13-Novembre et de Nice nous ont permis de mettre en application pour la première fois ces connaissances qui étaient bien établies et de pouvoir les tester sur un public plus large", se félicite le spécialiste. Avec des résultats porteurs d'espoirs pour les victimes de traumatismes.

La psychothérapie, traitement plus fin. Le protocole mené par Alain Brunet doit cependant encore faire la preuve de son efficacité par rapport aux méthodes traditionnelles. L’objectif du traitement des traumatismes, "c'est de travailler sur les émotions, c'est fondamental. Et aucune molécule ne permet de travailler sur les émotions", rappelle Hélène Romano, psychopathologiste, au micro d'Europe 1. "La grande difficulté est de faire la part entre les gens qui ont un trauma simple, par exemple ceux qui étaient à Nice et qui ont vu des morts, et ceux qui ont un trauma complexe, qui ont été blessés psychiquement à plusieurs reprises". Une distinction que le traitement chimique ne peut pas faire, selon cette spécialiste qui ajoute néanmoins que le protocole d'Alain Brunet et la psychothérapie sont "complémentaires".