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Benjamin Peter
L'Inpi, l'Institut national de la propriété intellectuelle a rejeté ce lundi la demande d'IGP des couteliers de la commune de Laguiole marqués de la célèbre abeille. Ils espéraient pouvoir bénéficier de la loi Hamon qu'ils avaient contribué à faire voter. Une décision incompréhensible dans le village ou sont nées ces lames.
REPORTAGE

"On a un produit identitaire du village, qui porte le nom du village mais qui n'est pas reconnu. Ça parait fou", résume Vincent Alazard, le maire de la petite commune de Laguiole dans le département de l'Aveyron. Ce lundi, l'Inpi, l'Institut national de la propriété intellectuelle a rejeté la demande d'indication géographique protégée formulée par le Syndicat des couteliers de Laguiole.

Ils réclamaient une IGP spéciale pour les couteaux produits dans un périmètre autour de cette commune de 1.200 habitants au cœur de l'Aubrac où est né le célèbre couteau à l'abeille. Dans le bureau de Vincent Alazard, se trouve le panneau indicateur d'entrée dans le village. C'est celui qu'il avait décroché en 2012, quand un particulier parisien s'était approprié le nom Laguiole en déposant cette marque pour produire des objets produits en Asie. Il avait fallu attendre 2014 pour que les artisans du village soit à nouveau autorisés à utiliser leur nom.

Un poinçon spécial sur les lames

 

Ce combat avait notamment inspiré la loi Hamon, du nom du ministre délégué à l'Économie sociale et solidaire et à la consommation de l'époque, qui prévoyait la création des IGP pour les produits manufacturés artisanaux. Ce qu'ils souhaitaient, c'est de pouvoir apposer un poinçon spécial sur les lames produites dans ce périmètre.

 

Une situation qui pourrait mettre en difficulté les coutelleries de Thiers, dans le Puy de Dôme, qui elles aussi produisent une grande partie des couteaux Laguiole commercialisés. Ils ont d'ailleurs eux aussi formulé une demande similaire auprès de l'Inpi. Une demande qui est toujours à l'étude mais dont l'acceptation serait "une provocation" pour le maire.

"On n'empêchera pas Thiers de faire du couteau de Laguiole. Ici on ne fera pas tous les couteaux qui sont vendus en France", précise Vincent Alazard. "Mais si le couteau porte ce nom, c'est qu'il est bien de Laguiole. Il y a un seul périmètre qui peut être reconnu c'est celui de naissance du produit et après le consommateur choisira."

Une fabrication ancestrale

À la sortie du village se trouve l'atelier d'Honoré Durand. Ici, on produit des couteaux à partir de rouleaux d'acier. Le métal est travaillé, transformé. "Une fois que l'on a forgé les mitres et les platines, le but du jeu des couteliers, c'est de monter et assembler tout ça entièrement à la main", précise le président du Syndicat des couteliers de Laguiole. 

À côté de lui, Merlin peaufine le mécanisme pour que la lame pliable vienne se ranger délicatement dans le manche. Honoré Durand ne comprend pas pourquoi l'Inpi n'a pas jugé leur demande recevable. "Pour moi ça me parait une évidence mais ça ne parait pas évident pour tout le monde", poursuit-il.

 

"Nous, on voulait apporter de la clarté aux consommateurs pour qu’ils aient la preuve que c'est bien fabriqué sur le Nord-Aveyron. Aujourd'hui quand vous achetez un couteau, vous êtes dans le flou. Un coup sur deux, vous allez vous faire avoir. Les couteaux peuvent être fabriqués ailleurs en France mais aussi en Chine ou au Pakistan."

 

"Qui peut contester que nous portons le nom du couteau ?"

Pour lui, la loi Hamon devrait pouvoir s'appliquer. "On a été les demandeurs de cette loi consommation en 2014, on a été à l'origine de sa création donc on a voulu en bénéficier pour asseoir notre produit, nos fabrications et nos savoir-faire sur notre territoire et là on nous dit 'non vous n'y avez pas droit'. On ne doit pas tout comprendre, je ne sais pas", s'interroge-t-il.

 

 

Pour Vincent Alazard, ce manque de reconnaissance peut mettre en péril l'activité dans son village. "Ça nous permettrait de sécuriser cette production ici. Demain il ne faudrait pas qu'elle soit délocalisée", s'inquiète-t-il. "Notre fromage de Laguiole, il est fabriqué à partir d'un territoire autour de Laguiole. On ne s'est jamais approprié le territoire du Cantal, c'est bien une zone qui correspond à la fabrication du produit. Le couteau c'est pareil. Qui peut contester que nous portons le nom du couteau ?"

Et le syndicat a bien l'intention de faire appel. Il ont un mois pour formuler un recours auprès de la cours spécialisée d'Aix en Provence.