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Anaïs Huet
Le fichier présenté par Santé publique France en octobre annonçant onze "nouveaux" cas suspects de bébés nés sans bras dans l'Ain est complètement erroné, selon la directrice du Registre des malformations en Rhône-Alpes.
INTERVIEW

En octobre 2018, l'agence Santé publique France rapportait onze nouveaux cas suspects de bébés nés sans bras dans le département de l'Ain entre 2000 et 2014. Aujourd'hui, l'épidémiologiste Emmanuelle Amar, qui dirige le Remera (Registre des malformations en Rhône-Alpes), alerte sur la totale inexactitude des données fournies par l'agence. "On ne sait pas d'où sort ce chiffre 11", a-t-elle fustigé au micro de Matthieu Belliard, jeudi sur Europe 1.

"Trouble et confusion chez les familles". En clair, selon l'épidémiologiste, aucun nouveau cas d'agénésies transverses des membres supérieurs (dit "ATMS", le nom scientifique de cette malformation de l'avant-bras) ne figure dans ce fichier. Sur notre antenne, elle explique la chronologie de l'affaire. "Cette annonce a été faite au lendemain de l'annonce d'un huitième cas dans la zone du cluster de l'Ain. Ce huitième cas s'était lui-même déclaré, donc nous l'avons annoncé après avoir vérifié qu'il s'agissait bien de la même malformation. Le lendemain, Santé Publique France annonçait avoir trouvé dans son fichier national de données onze nouveaux cas supplémentaires, qui s'ajoutaient donc aux cas que nous avions déclarés. Ce qui a semé le trouble et la confusion, notamment chez les familles qui ont cru que quelque chose d'affreux s'était passé dans l'Ain."

Une méthode contestable. Depuis cette annonce de Santé Publique France, charge a été donnée au Remera de retrouver ces onze cas. "Ils sortent d'un fichier du PMSI, le programme de médicalisation des systèmes d'information hospitalier, qui a une vocation de facturation des actes. Ce système - qui est très bon pour la facturation - est très mauvais pour le suivi épidémiologique. Il y a des codes erronés, des codes qui manquent, des codes en trop. Donc on ne peut pas s'en servir", dénonce Emmanuelle Amar. 

Après étude des onze cas, il s'avère que bon nombre d'entre eux présentes des malformations totalement différentes à l'ATMS. Plus étonnant encore, certains enfants ne présentent aucune malformation.

Pour Emmanuelle Amar, cette difficulté à recenser efficacement les victimes de malformations est un argument supplémentaire pour encourager l'ouverture d'un fichier national.