"On va tirer le fil d'Ariane et détricoter toute la vie de Nordahl Lelandais"

Nordahl Lelandais, qui a avoué le meurtre de Maëlys, est également mis en examen dans un autre dossier (photo d'illustration).
Nordahl Lelandais, qui a avoué le meurtre de Maëlys, est également mis en examen dans un autre dossier (photo d'illustration). © AFP
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M.L , modifié à
Après les aveux du principal suspect dans l'affaire Maëlys, les enquêteurs font face à un immense travail de recoupement. L'enjeu : savoir si l'ancien militaire peut être un tueur en série. 
INTERVIEW

C'est la fin d'une semaine décisive dans l'affaire Maëlys. Près de six mois après la disparition de la fillette à Pont-de-Beauvoisin, en Isère, le principal suspect Nordahl Lelandais a avoué l'avoir tuée avant de conduire les enquêteurs jusqu'à son corps, mercredi. Si plusieurs questions restent en suspens dans ce dossier, le travail des enquêteurs s'étend désormais également à d'autres affaires. Celle du meurtre d'Arthur Noyer, pour lequel l'homme est mis en examen, mais aussi d'autres disparitions et crimes non élucidés, avec cette question : l'ancien militaire peut-il être un tueur en série ? 

"On croise les informations de plus en plus vite". "On va tirer le fil d'Ariane et détricoter toute la vie de Nordahl Lelandais", explique Stéphane Bourgoin, spécialiste des tueurs en série et auteur de Moi, Serial Killer (Ed. Grasset), invité d'Europe Soir, vendredi.  "On va revisiter l'ensemble de sa vie, avec des bases de données informatiques qui sont communes à la police et à la gendarmerie." Le colonel Patrick Touron, directeur de l'Institut de Recherche Criminelle de la Gendarmerie Nationale (IRCGN) abonde : "le principal c'est d'avoir des données fiables, bien architecturées. On croise les informations de plus en plus vite, il y a une plus grande possibilité de les associer à une seule et même personne." 

" On peut avoir un parcours avec des victimes d'âges et de sexes différents "

"Ce n'est pas aussi inhabituel que ça". La piste Lelandais est notamment étudiée dans la disparition d'une Gardoise en 2009, ou celle du jeune Lucas Tronche, en 2015. Ces victimes aux profils différents peuvent-elles avoir tuées par une seule et même personne ? Pour répondre, Stéphane Bourgoin évoque le précédent Francis Heaulme. "Il a tué le petit Joris dans le Sud-Est, un homme à Périgueux, une jeune femme sur une plage en Bretagne, des personnes qui avaient l'âge d'être des grands-mères dans l'Est... Ce n'est pas aussi inhabituel que ça, l'histoire des crimes en série le montre." 

Heaulme, Fourniret, Georges... Le spécialiste cite aussi l'exemple allemand de Peter Kürten, le "Vampire de Düsseldorf", "qui tuait des enfants, des hommes et des femmes", ou celui de Michel Fourniret, qui vient d'avouer deux meurtres supplémentaires de femmes, "mais qui a aussi tué un homme et des fillettes." Et de résumer : "on peut avoir un parcours avec des victimes d'âges et de sexes différents." Le risque, lorsque le profil ou le mode opératoire diffère, est d'ailleurs de remonter la piste tardivement : dans le cas du tueur en série Guy Georges, deux cellules d'enquêteurs différentes travaillaient sur ses meurtres, commis alternativement dans des parkings et dans des appartements. "Ils n'ont pas forcément communiqué entre eux." 

Dans l'affaire Maëlys, les traces "secondaires" ont parlé 

"Il y a à peu près 64.000 prisonniers en France, et à peu près autant qui se sont fait avoir par des indices... Autant qui pensaient échapper à la justice", explique le Colonel Patrick Touron. C'est dans son laboratoire de Pontoise qu'a été identifiée la trace de sang qui a poussé Nordahl Lelandais aux aveux dans l'affaire Maëlys. "La particularité, c'est que nous avons examiné le véhicule une première fois et nous avons trouvé une trace d'ADN de la victime, c'était déjà une belle information. Nous avions signalé aux magistrats que la voiture avait été particulièrement bien nettoyée. Elle avait fait l'objet d'une opération de destruction systématique d'éventuels indices...."

"Et puis, il y a un mois, on a ré-exploité le véhicule", poursuit le gendarme. À la recherche cette fois de traces "secondaires" : "tout ce qui n'est pas accessible à quelqu'un qui voudrait laver des indices". C'est donc en démontant "chaque pièce" que les enquêteurs ont trouvé "de très nombreux indices", dont cette trace de sang. Déjà désigné par un faisceau d'indices, Nordahl Lelandais a alors craqué. "Les interrogatoires des enquêteurs l'ont amené au coin du ring, et la trace a donné le dernier uppercut", résume Patrick Touron.