Leur sœur a disparu pendant deux mois : "On a pensé qu'elle avait été enlevée ou tuée"

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Léa Beaudufe-Hamelin
Alexandre et Charlène attendaient la visite de leur sœur pour Noël, mais celle-ci n’est jamais venue et a cessé de leur donner des nouvelles. Ils ont alors découvert que la jeune fille fréquentait un homme de 50 ans et avait arrêté ses études. Alexandre et Charlène racontent à Olivier Delacroix la disparition de leur sœur.
TÉMOIGNAGE

Maryline, une étudiante française de 20 ans résidant en Allemagne, a disparu à la veille de Noël. Ses frères et sœurs, Alexandre et Charlène, qui attendaient sa visite en France ont lancé des avis de recherches sur les réseaux sociaux. Deux mois plus tard, leur petite-sœur s’est présentée au commissariat de police et a demandé à ce que l’enquête cesse. Ils ont alors découvert que la jeune fille était en couple avec un homme d’une cinquantaine d’années et avait arrêté ses études. Alexandre et Charlène confient à Olivier Delacroix leur inquiétude quant au changement de vie de leur petite sœur.

Alexandre dresse le portrait de sa sœur : "Maryline était une jeune fille équilibrée et volontaire. Elle avait la joie de vivre. Elle avait un fort attachement à la France et à sa famille française. Elle était en Allemagne pour ses études, mais elle avait pour projet de revenir en France une fois ses études finies, pour se rapprocher de sa famille. Ça a toujours été son souhait. Dès qu'elle avait le moindre souci ou qu’elle avait besoin d'un renseignement, c’est toujours moi qu'elle appelait. On se parlait par messages, par téléphone ou par email. On avait des relations."

Le grand frère évoque les circonstances de la disparition de Maryline : "Elle nous disait que tout allait bien et qu’elle allait venir nous voir pour les Fêtes de Noël, comme elle le faisait depuis sept ans. Le 28 novembre, elle a contacté Charlène pour lui dire qu’elle arriverait en France le 21 décembre. On lui a demandé s'il fallait venir la chercher à la gare. Elle nous a dit que non. Elle viendrait en voiture pour nous faire la surprise du véhicule qu'elle avait acheté. Le 21 décembre, elle n'est pas arrivée en France. On s'est dit qu'elle avait peut-être du retard. Le 22 et le 23, toujours pas de nouvelles. On a commencé à se poser des questions. 

Le 24, on a fait un réveillon en se demandant si elle allait bien. Charlène lui a envoyé un message lui demandant où elle était et ce qu'elle faisait. Un ami de Maryline nous a envoyé un message nous disant qu'il fallait peut-être qu'on s'inquiète parce que pour ses amis, elle était arrivée en France depuis le 21. On a contacté la police allemande aussitôt. Ils n’ont rien trouvé à la morgue, ni dans les hôpitaux. Ils nous ont dit qu’elle avait le droit de couper les ponts, parce qu’elle est majeure. Sans l’autorité d'un juge allemand, on ne peut strictement rien faire."

" On a retrouvé la plupart de ses effets personnels dans deux grands sacs poubelle "

Alexandre a alors décidé de mener l’enquête lui-même : "Je me suis rendu à Stuttgart pour voir son appartement. L’inquiétude a grandi parce qu'on a retrouvé la plupart de ses effets personnels dans deux grands sacs poubelle, dont des affaires qui appartenaient à notre mère auxquelles elle était attachée, ses cartes de crédit, ses pinceaux et ses peintures. On n'a pas retrouvé son téléphone, son ordinateur et sa carte d'identité. Au départ, on a pensé qu'elle avait été enlevée ou pire, qu’elle avait été tuée. Ça a été très difficile. On a interrogé ses amis. Une de ses meilleures amies qui nous a dit que Maryline avait peut-être rencontré quelqu’un et que depuis, elle avait pris ses distances avec ses amis. Ils ne la voyaient quasiment plus. 

Je suis rentré en France par obligation. On ne pouvait pas rester inactifs en attendant que quelqu'un nous donne un élément pour que la police puisse travailler. On a décidé de diffuser un avis de recherche sur les réseaux sociaux. Ça a pris beaucoup d'ampleur. On a reçu beaucoup de soutien. Ça a permis de dépasser la frontière française et ça a été diffusé en Allemagne. Maryline s’est présentée à la police allemande, parce qu’elle a vu les avis de disparition sur les réseaux sociaux. Elle leur a dit : ‘Je vais bien. Je veux qu'on arrête l'enquête parce que je suis majeure.’"

" Elle avait des façons qui m'ont fait peur "

Charlène explique que sa sœur avait un comportement étrange au téléphone avant sa disparition : "Elle avait des façons qui m'ont fait peur. Elle m’a dit : ‘J'ai gagné le jackpot’. On ne sait pas ce que ça voulait dire. Elle parlait de sa nouvelle vie, disait qu'elle travaillait et qu'elle avait hâte de venir. Elle m’a dit : ‘Je t’expliquerai, vous allez être fiers de moi.’ Elle allait annoncer un nouveau départ. Donc, je lui ai dit que j’avais hâte qu'on se voie. Après, plus de nouvelles, plus rien."

Après que Maryline s'est présentée devant la police allemande, elle a appelé Charlène : "Elle m'a dit ‘Je vais bien. Je viens de tomber des nues en voyant qu’on me cherchait. Je ne comprends pas ce qu’il se passe. Je suis allée voir la police, j'en sors et je leur ai dit de tout arrêter.’ Je lui ai posé beaucoup de questions. Elle ne répondait pas trop. Au début, elle tournait autour du pot. Elle ne m'a pas expliqué. 

" Je ne sais pas si elle est entre de mauvaises mains "

Elle m’a dit qu’elle pouvait comprendre qu’on était inquiets. Je lui ai dit de vite appeler Alexandre et papa. Elle m’a répondu : ‘Non, je ne veux parler qu’à toi. Il n’y a que toi qui as mon numéro et qui m’appelles. C'est comme ça, je veux que ce soit que toi.’ Je suppose que c’est parce qu’Alexandre allait lui poser beaucoup trop de questions et allait chercher à savoir la vérité. Pour l'instant, ça ne lui plaît peut-être pas de la dire. Chez nous, on ne se voile pas la face comme ça. 

Elle m’a dit : ‘J'ai eu des soucis. J'ai vécu des choses graves. Je t’expliquerai quand je serai devant toi.’ Depuis, je l’ai appelée tous les jours, mais je n'ai pas eu la vraie explication. Quand elle parle avec moi, elle traduit aussitôt à son petit-ami, parce que cette personne ne comprend pas le français et veut savoir ce qui se dit. Je ne sais pas si son ami est bien et s’il est vraiment là pour l'épauler, ou si elle est entre de mauvaises mains et me cache des choses. Je ne peux pas le savoir tant qu'elle n'est pas là."

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Alexandre évoque son inquiétude quant au compagnon de Maryline : "J'ai signalé au SRPJ (Service régional de police judiciaire NDLR) le fait qu’elle n'était jamais seule. Le SRPJ m'a répondu : ‘On sait que votre sœur navigue en eaux troubles, mais malheureusement, elle est majeure.’ Ils affirment ça parce que l'Allemagne leur a dit, mais ils ne nous en ont pas dit plus sur cet homme et sur les renseignements qu'ils ont pu avoir. La seule chose qu'on sait, c'est l'âge de son compagnon. Le SRPJ nous a expliqué qu'il avait une cinquantaine d'années et que d'après eux, c'était loin d'être un saint.

À la suite de l'enquête, on a découvert que ma petite sœur avait fait un début de dépression. Elle a été hospitalisée pendant deux mois. On nous a dit qu'elle aurait fait sa connaissance à l'hôpital. Elle n’est pas allée seule au commissariat. Elle était avec lui. Il a donné sa carte d’identité. La police allemande sait donc où elle habite, mais c’est tout. On a demandé si on pouvait porter plainte pour séquestration. On nous a répondu que non, parce qu’on a aucune preuve. Pour savoir si elle est sous influence, il faudrait discuter uniquement avec elle. Pour l'instant, ce n'est pas possible et on ne peut pas l'obliger à le faire."

" On ne peut rien faire du tout "

Grâce à l’enquête de police, Alexandre explique qu’ils ont appris d’autres choses sur la vie de Maryline : "Quand on lui demandait comment elle allait, elle disait que tout allait bien. On a appris qu’elle a arrêté ses études. Elle travaillait dans un bar où je me suis rendu. C’est un bar dans lequel il doit y avoir des trafics. Je n'en ai pas vu, mais il y a beaucoup de filles qui n'y travaillent que le soir. Je pense que ma petite sœur cherchait du travail. Elle a trouvé une place dans ce bar et elle a dû se rendre compte que c'était un bar qui prostituait certainement les filles. 

On n’a aucune preuve, mais peut-être a-t-elle essayé de s’en sortir et peut-être a-t-elle fait une grosse dépression à cause de ce milieu. Peut-être se sentait-elle mieux à l'hôpital que dehors, par peur. J’ai peur qu’elle soit sous influence. Si on décide de l'emmener quelque part malgré elle, on ne peut rien faire. Je m’inquiète. Si elle devait disparaître une seconde fois, est-ce qu'on arrivera à déclencher une enquête ou est-ce qu'on va nous dire : ‘Elle n'a pas donné de nouvelles pendant deux mois, puis elle a réapparu. Elle fait la même chose, elle va réapparaître dans plusieurs mois.’ 

On peut tout supposer. On peut supposer qu'elle est peut-être tombée malgré elle dans un réseau mafieux qui la contrôle et qui l'aurait obligée à se rendre à la police en disant que tout va bien. Peut-être qu’ils menacent de faire du mal à sa famille française ? On ne dispose d’aucun moyen. Le SRPJ nous a expliqué que l'Allemagne clôturait l'enquête parce qu'ils l'ont vue. On arrête là et on ne peut rien faire du tout. On n'a strictement rien. Ce que je demande à ma sœur, c'est juste de la voir. Je ne demande pas plus. Elle est majeure, elle fait sa vie, mais je veux juste la voir une fois. C’est tout."