Les prud'hommes requalifient deux coursiers à vélo en salariés : "Cela va donner du courage à tout un tas de livreurs"

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Claudia Bertram, édité par Grégoire Duhourcau avec AFP
"C'est la première fois, en première instance", qu'une telle décision est prise, se réjouit le porte-parole des livreurs en lutte sur Europe 1. Selon lui, les livreurs ont désormais "des leviers pour aller vers des négociations avec les plateformes".

Le conseil de prud'hommes de Paris a requalifié en contrat à durée indéterminée (CDI) les contrats liant deux coursiers à vélo à la société de livraison de repas Take Eat Easy, qui les rémunérait comme travailleurs indépendants, condamnant l'entreprise à des rappels de salaires et des dommages et intérêts.

Cette décision est une "première à Paris pour un coursier à vélo", a réagi Kevin Mention, l'avocat des deux livreurs, contacté par l'AFP. Il s'est dit "très satisfait" même si "pour nous, ce n'est pas forcément assez", alors qu'une centaine de livreurs se sont engagés dans une plainte au pénal pour travail dissimulé contre Take Eat Easy, procédure encore en cours d'instruction selon Me Mention.

"Take Eat Easy sert de lancement". "C'est la première fois, en première instance, au tribunal des prud'hommes de Paris. C'est très important parce que cela réduit les délais, et surtout, cela va donner du courage à tout un tas de livreurs. En fin de compte, Take Eat Easy sert de lancement", a pour sa part réagi Jérôme Pimot, porte-parole des livreurs en lutte, au micro d'Europe 1.

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Les deux coursiers à vélo percevront chacun plus de 11.000 euros de rappel de salaires, ainsi qu'un rappel de congés payés, 1.700 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive de contrat et 1.000 euros de dommages et intérêts pour retard de paiement des congés payés, d'après les prud'hommes de Paris. Take Eat Easy ayant disparu, l'indemnisation sera à la charge du Régime de garantie des salaires (AGS), qui peut encore faire appel de la décision, a précisé l'avocat.

Fin janvier, le conseil de prud'hommes de Nice avait déjà requalifié en salariés et ordonné l'indemnisation de six coursiers à vélo de la start-up d'origine belge, dont la liquidation en août 2016 a mis sur le carreau 2.500 personnes en France.

Ces décisions des prud'hommes s'appuient sur un arrêt de la Cour de cassation datant de novembre, dans lequel la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire reconnaissait le lien de subordination entre Take Eat Easy et l'un de ses coursiers à vélo. Cet arrêt a rebattu les cartes concernant la définition du salariat et le recours des plateformes de services à des indépendants.

"Les plateformes n'ont plus autant les coudées franches pour travailler". "On voit bien que les arguments portés par la Cour de cassation sont relativement généralistes. Je pense qu'on a mis un petit peu de sable dans le moteur et que maintenant, ils (les livreurs) ont des leviers pour aller vers des négociations avec les plateformes, qui n'ont plus autant les coudées franches pour travailler", estime Jérôme Pimot.

En janvier, la cour d'appel de Paris a ainsi estimé que le lien qui unissait un ancien chauffeur indépendant à la plateforme de réservation en ligne Uber était bien un "contrat de travail", une "première" concernant le géant américain en France. Ce dernier avait annoncé vouloir se pourvoir en cassation.

Selon Jérôme Pimot, les plateformes "vont être obligées de se réformer" : "Je ne pense pas qu'elles disparaissent, mais à nous, via ces armes que la justice nous donne, d'essayer de faire réformer tout un système pour que ces plateformes arrêtent de faire n'importe quoi. On est quand même sur un hold-up social de grande ampleur."