Faire d'Adama Traoré l'exemple du racisme dans la police est sujet à controverse. Image d'illustration 2:39
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Guilhem Dedoyard , modifié à
Me Gilles-William Goldnadel, président d'Avocats sans frontières et Dominique Sopo, président de SOS Racisme, invités d'Europe 1 ont commenté samedi la manifestation antiraciste organisée dans la capitale. Si pour le premier, la figure d'Adama Traoré est problématique, le second considère que le problème n'est pas là.
DÉCRYPTAGE

La mort d'Adama Traoré suite à son interpellation par les forces de l'ordre est-elle représentative du racisme dans la société et la police française ? Pour Me Gilles-William Goldnadel, président d'Avocats sans frontières, la réponse est non et le choix de l'Affaire Traoré comme exemple du racisme dans la police est même problématique. Dominique Sopo, président de SOS Racisme, tient lui une position plus nuancée. Tous deux en ont débattu dans le Grand journal du soir de Wendy Bouchard après les manifestations antiracistes organisées en France, samedi. 

"Il y a une exigence de justice qui est tout à fait audible" 

Pour Me Goldnadel, le choix de l'affaire Traoré n'est pas pertinent pour des raisons de fond. L'avocat n'a "pas vu dans la procédure judiciaire le moindre élément qui pourrait accréditer" le racisme. "Je vois que la famille Traoré pose beaucoup de problèmes à Beaumont-sur-Oise", affirme-t-il. Et de rajouter, évoquant les "mort aux juifs" criés par quelques individus dans le cortège parisien de la manifestation samedi, "des choses qui sont minimisées et d'autres maximisées" alors que les faits ne sont pas avérés. Il se réfère ainsi aux "trois rapports d'expertise judiciaire qui jusqu'à maintenant relaxent les gendarmes et plusieurs expertises privées, payées par la famille Traoré qui disent le contraire."

Pour Dominique Sopo, le débat est plus large que cela. "Il y a une exigence de justice qui est tout à fait audible et tout à fait normale" dans cette affaire, estime-t-il. Mais "au-delà du cas d'Adama Traoré, il y a une problématique de violences policières et il y a une problématique de racisme qui méritaient mieux que les dénis tenaces de Christophe Castaner jusqu'à sa conférence d'il y a quelques jours. On fait comme si la problématique c’était l'affaire Traoré, mais la question du racisme, des violences policières ne se réduit par à l'affaire Traoré".

Un chantier à ouvrir sur le racisme dans la police ?

Gilles-William Goldnadel dénonce lui "un pseudo antiracisme névrotique et alimenté par le monde médiatique. La question du racisme je la connais depuis longtemps mais je n'ai pas l'habitude d'aller à des manifestations interdites, je ne sais pas au nom de quoi la famille Traoré serait dispensée de respecter la loi. Je considère comme une abomination de mélanger l'affaire Floyd, qui est indiscutable à l’œil nu, avec l'affaire Traoré"."Ce n'est pas ma faute si c'est l'affaire Traoré qui est montrée comme exemple du racisme dans la police française" tacle-t-il.

Le président de SOS Racisme considère lui que "lorsqu'il y a des groupes de milliers de personnes qui postent ou échangent des messages racistes, des groupes Whatsapp, des policiers d'origine maghrébine qui dénoncent le racisme qu'ils subissent eux même ou qu'ils constatent, il y a un chantier à ouvrir. Et ce, même si ce sont des problématiques dénoncées depuis longtemps mais sur lesquelles il avait quasiment une impossibilité d'avoir du débat médiatique et politique".

Police raciste ou policiers racistes ? 

"Bien entendu qu'il y a des policiers racistes, comme il y a des bouchers racistes. Le racisme c'est quelque chose de très bien partagé et par tous les peuples de la planète", juge encore Me Goldnadel. "Policier ce n'est pas n'importe quel métier, ce n'est pas fleuriste. Ce ne sont pas les mêmes conséquences" lui répond Dominique Sopo. 

"La sortie de Camelia Jordana sur le fait qu'on massacrerait pour une question de couleur de peau a été contre-productive. Mettez vous à la place des policiers, vous croyez que ça agit dans le sens des bonnes relations entre les policiers et les jeunes de banlieue ? Ce genre de sorties, par leur généralisation, sont des sorties racistes" affirme le président d'Avocats sans frontières. Un amalgame "un peu nauséabond" pour Dominique Sopo. "Il y a une problématique soit on est capable de l'affronter, soit on fait de la diversion pour ne pas le faire", conclut-il.