La triple évasion de l'abbaye de Fontevraud : "On les présentait comme des gens capables de tout"

  • Copié
Guillaume Perrodeau
Chez Christophe Hondelatte, Léandre Boizeau, auteur du livre "La traque", revient sur la triple évasion de Roger Dekker, Gustave Merlin et Georges Damen, en 1955.

En 1955, trois détenus de la prison de Fontevraud se font la malle. Pendant une semaine, leur cavale va créer la psychose dans les alentours de Saumur et Chinon, en passant par Sainte-Maure-de-Touraine, la dernière étape de leur fuite. Chez Christophe Hondelatte mardi, Léandre Boizeau, auteur de La Traque, qui raconte cette évasion et la cavale qui suit, revient sur cet épisode policier.

"Les détenus n'avaient qu'une idée en tête : s'échapper". Il fut un temps où l'abbaye de Fontevraud n'était pas le lieu accueillant qu'elle est aujourd'hui. En 1955, c'est une prison, une des pires maisons d'arrêt de France. "C’est un univers de détresse et de désolation", résume Léandre Boizeau, "alors les détenus n'avaient qu'une idée en tête : s'échapper". Et trois d'entre eux vont tenter le coup : Roger Dekker, Gustave Merlin et Georges Damen. Le 15 juin 1955, alors qu'ils sont dans l'atelier de tissage, ils bondissent sur les deux gardiens qui les surveillent et les assomment. Deux d'entre eux enfilent les tenus. Ils vont se faire passer pour des gardiens qui escortent un prisonnier et s'échapper.

>> De 14h à 15h, c’est Hondelatte raconte sur Europe 1. Retrouvez le replay de l'émission de Christophe Hondelatte ici

Mais avant la liberté, il reste un obstacle majeur : le mur d'enceinte. Dekker, Merlin et Damen escaladent le mirador et amorcent leur descente. Mais en sautant, pour combler les quelques mètres qui séparent les prisonniers du sol, Georges Damen se casse la jambe. Il ne peut pas faire un pas de plus. Roger Dekker et Gustave Merlin le laissent donc ici, au pied du mirador, pendant qu'eux prennent la fuite à travers les bois. "Damen est resté là trois heures. (...) Sur la route pour l'emmener à l'hôpital, les gardiens l'ont sévèrement tabassé, au point qu'il est arrivé avec une jambe cassée, mais aussi des côtes brisées et des ecchymoses", raconte Léandre Boizeau. On ne s'échappe pas impunément de la prison de Fontevraud.

"On les présentait comme des gens capables de tout". Pour Dekker et Merlin, c'est maintenant l'étape de la cavale. Leur évasion fait la une des journaux dès le lendemain. Leur nom est divulgué, ainsi que leur passif de prisonnier. Mais la presse exagère beaucoup le trait. "On les présentait comme des gens capables de tout, extrêmement dangereux", se souvient l'auteur de La traque. Les journaux locaux suivent de près l'affaire chaque jour, participant au climat de psychose qui règne dans la région. "Ce qui m'avait frappé à l'époque, c’était les photos qui paraissaient dans le journal, des centaines de policiers et gendarmes mobilisés pour deux hommes", se remémore Léandre Boizeau, 15 ans à l'époque.

Capture

Léandre Boizeau et Christophe Hondelatte © Europe 1

Pendant des jours, les témoignages de paysans et de fermiers qui les aperçoivent en forêt ou dans les champs se multiplient. Dekker et Merlin restent dans les parages, entre Saumur et Chinon. "Ceux qui les pourchassent pensent qu’ils vont partir en direction de Paris, mais eux, ils tournent en rond", explique Léandre Boizeau. La raison ? Georges Damen, celui qui est resté sur le carreau. "Il avait une connaissance du terrain et de la nature que les deux autres n’avaient pas", résume l'auteur. Sans lui, la cavale est difficile.

Issue fatale. Huit jours après leur évasion, un fermier les reconnaît près de Sainte-Maure-de-Touraine, en train de faire la sieste. Il appelle les gendarmes qui rappliquent aussitôt. Une fusillade éclate et une course poursuite s'engage dans les champs. Gustave Merlin est retrouvé mort au milieu du maïs. Roger Dekker est gravement blessé à la tête, il ne s'en sortira pas. Les gendarmes avaient-ils l'intention de les neutraliser définitivement depuis le début de leur évasion ? Pour Léandre Boizeau, oui. "Je n'ai pas de certitudes, mais je pense que oui. C'est annoncé dans la presse bien avant : c'est ce qui les attendait s'ils étaient retrouvés."