"Il me dit que je suis belle." Célèbre titre de Patricia Kaas, cette phrase est aussi un problème pour Sandra. Cette auditrice d'Europe 1 raconte que pendant l'amour, son compagnon n'arrête pas de lui parler pour la complimenter ou lui demander si ça va. Cela empêche le développement de son désir mais d'un autre côté, elle se demande qui a vraiment tort dans cette histoire. La sexologue et psychanalyste Catherine Blanc est là pour répondre à ses interrogations dans l'émission Sans Rendez-vous avec Mélanie Gomez.
La question de Sandra
"Chaque fois que nous faisons l'amour, mon copain se met à parler. Il me demande si j'aime ça, si je n'ai pas mal, ou il me dit que je suis belle. Cela m'agace. Je ne sais pas si c'est lui ou moi qui a un problème. Qu'en pensez-vous ?"
La réponse de Catherine Blanc
"Le fait de faire l'amour est un moment d'émotions, de ressentis, de sensations, de sentiments et le corps parfois ne peut y suffire pour traduire ce trop-plein d'élan vers l'autre qui le pousse à dire 'tu es belle, tu me plais, j'aime ça, est-ce que tu aimes ça ?'. Cela constitue une manière de créer du lien, ce qui n'est évidemment pas obligatoire, ce qui n'est pas non plus la preuve de plus d'amour que quelqu'un qui ne parlerait pas.
C'est simplement un besoin d'une communication, qui peut être né d'une inquiétude, car cet homme peut être inquiet et a besoin d'être rassuré quant à la réciprocité. Cela peut aussi être tout simplement l'expression libre et débridée de ses émotions et ses interrogations dans la direction de sa belle.
Ne devrait-elle pas lui dire de se taire ?
Peut-être qu'il faut d'abord qu'elle comprenne pourquoi ça la dérange. Quand la question c'est 'est-ce que tu aimes ça ?', c'est dérangeant car c'est une question qui attend une réponse alors que ce n'est pas nécessairement le cas et du coup, elle se voit tout d'un coup sollicitée intellectuellement pour pouvoir être en capacité de répondre à cette question alors qu'elle est toute dans la liberté de son élan érotique et pas dans la réflexion.
Ça la fait donc sortir de son élan érotique pour être dans la réflexion, ce qui coupe son élan. Peut-être qu'il faut tout simplement lui expliquer que s'il y a une question, il doit y avoir une réponse, s'il y a une réponse, il y a un cerveau qui marche et s'il y a un cerveau qui marche, l'érotisme est un peu freiné.
Pourtant, il y a des couples très loquaces…
Parfois, certains couples l'utilisent de façon mécanique, c'est-à-dire qu'ils envoient à leur tour comme on enverrait un râle, un son, pour juste dire à l'autre que ça plait. C'est 'j'aime ça', 'encore', 'tu es beau', 'je t'aime', sans que les mots soient complètement réfléchis, et c'est source d'excitation.
Mais pourquoi est-elle dérangée, quand on lui dit qu'elle est belle ? Peut-être parce qu'elle est renvoyée à elle et qu'il est plus facile d faire l'amour quand elle s'éloigne d'elle-même et de la conscience d'elle-même. Parce que sinon, elle est renvoyée à ce qu'elle est socialement et la légitimité qu'elle s'offre ou ne s'offre pas à pouvoir faire l'amour, à être vue en train de faire l'amour.
Quand il lui dit 'tu es belle', il la renvoie à son corps en train de faire l'amour, à son sexe et peut-être que c'est difficile de faire avec ça, sauf à être dans le silence, comme si on ne s'était pas vus, en faisant comme si de rien n'était. Tout d'un coup, la liberté de sa sexualité s'offre.
Peut-elle proposer un débriefing à la fin de l'acte ?
Je pense que le débriefing est intéressant si c'est pour dire 'écoute chéri, t'es trop chou, t'as besoin de me parler, mais moi c'est un peu compliqué' ou de fait 'j'aime faire l'amour avec toi, je vis des choses différentes à chaque fois mais je n'ai pas envie de dire aujourd'hui telle note ou telle note'.
Ce débrief-là, sur la performance, est plutôt hasardeux, on se le dit souvent par le sourire, par le regard entendu, par les rougissements. On se le dit aussi le lendemain, 'c'était bien, hier'. Le débriefing juste après, c'est un peu la course à la performance. En général, les femmes n'aiment pas, sachez-le. En tout cas, l'humour c'est tant qu'on veut, en revanche !"