LA QUESTION SEXO - Les jeunes sont-ils plus précoces qu'avant en matière de sexualité ?

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Catherine Blanc , modifié à
Dans "Sans Rendez-vous", la sexologue et psychanalyste Catherine Blanc se penche sur l'idée selon laquelle les jeunes d'aujourd'hui sont plus précoces en matière de sexualité que d'autres générations à leur âge. Mais d'après la spécialiste, il faut avant tout comprendre de quoi il est question dans cette notion de précocité. 

>> Dans une société hypersexualisée, où la pornographie est accessible en deux clics, les jeunes sont-ils plus précoces en matière de sexe ? S'ils en parlent plus et plus jeunes, la sexologue et psychanalyste Catherine Blanc affirme au micro de "Sans Rendez-vous" que les jeunes d'aujourd'hui "ne sont pas plus précoces que ceux d'il y a deux ou trois générations".                   

"Il faut avant savoir de quoi on parle quand on dit précoce. Le développement psycho-affectif a besoin de temps et nous faisons souvent la confusion entre l'acte et leur capacité à parler de sexualité. De ce point de vue-là, ils sont plus précoces parce qu'ils sont plongés dans une société extrêmement sexualisée, et qui du coup met ce sujet-là comme une sorte de mètre étalon de la compétence à être mature. 

Donc ils parlent beaucoup de sexe, ils en entendent beaucoup parler, ils connaissent plus ou moins ce que veulent dire tous les sujets. Mais parfois ils emploient des mots dont ils ne connaissent pas le sens, parce que ça leur permet de rentrer dans une société, de montrer qu'on est en compétence. Pour autant, ils n'en ont pas fait nécessairement l'expérience parce qu'il y a une différence entre la capacité à en parler et le vivre dans son corps. 

Car pour cela il faut un développement psycho-affectif abouti et être en capacité d'arbitrer pour soi un désir, un élan, une excitation, et pas subir les propositions d'une société. À ce titre il y a un décalage entre les deux. Mais les jeunes d'aujourd'hui ne sont pas plus précoces que ceux d'il y a deux ou trois générations.

Est-ce que l'accès simplifié à la pornographie est à l'origine de l'utilisation de mots, comme les positions par exemple ? 

Oui et ça les effraie : entre le poupon qu'ils étaient il y a quatre matins et le saut dans le grand bain de la sexualité, la différence est extrêmement anxiogène. C'est ce qui fait qu'en réalité ils ne passent pas à l'acte. Ils attendent, ils progressent petit à petit. Surtout pour les jeunes qui ont été éduqués à vivre à leur propre rythme.

Il y a-t-il une différence entre les garçons et les filles ? 

Les filles en parlent beaucoup plus qu'elles n'en parlaient avant parce qu'elles sont davantage autorisées à le faire aujourd'hui. À ce titre, on pourrait concevoir que c'est plutôt une bonne nouvelle parce qu'elles ne sont pas enfermées dans une pudibonderie. Mais du coup elles subissent aussi l'obligation de performance qu'elles ne connaissaient pas avant. Puisqu'elles étaient en quelque sorte protégées, y compris par des injonctions comme 'tu ne feras pas l'amour avant le mariage'.

Malgré le côté horrible de ne pas accueillir le désir féminin, cela leur donnait un sas de sécurité qui leur permettait de prendre le temps. 

Comment un parent doit-il réagir face à un enfant qui emploie des termes qui ne sont pas de son âge ? 

Il faut avant tout essayer de comprendre d'où vient ce terme. Ça peut surprendre, mais on ne peut pas les gronder d'employer des termes pêchés dans la société sans trop comprendre leurs sens. Et puis cela peut être l'occasion pour les parents d'aborder le sujet de la sexualité, de faire leur boulot d'éducateur et de ne pas laisser ce rôle à la pornographie."