Question sexo 5:22
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Catherine Blanc , modifié à
Dans l'émission "Sans Rendez-Vous", sur Europe 1, mercredi, la sexologue et psychanalyste Catherine Blanc répond à un auditeur qui s'inquiète de retrouver une vie sexuelle beaucoup trop active à la sortie du confinement.

Benjamin est-il un accro au sexe ? Le jeune auditeur de 27 ans, bientôt 28, s'interroge : sexuellement très actif avant le confinement, il n'a plus de rapport depuis maintenant un mois et demi. Une diète forcée qui prendra fin dans deux semaines avec la levée des premières restrictions, mais Benjamin a peur : pourra-t-il éviter de retomber dans l'enchaînement des histoires sans lendemain après le 11 mai ? Dans l’émission Sans rendez-vous sur Europe 1, mercredi après-midi, la sexologue et psychanalyste Catherine Blanc lui répond.

La question de Benjamin, 27 ans

"Avant le confinement, j'avais une vie sexuelle très active, j'avais l'habitude d'enchaîner les plans d'un soir. Actuellement, je n'ai aucun rapport sexuel mais j'arrive plutôt bien à gérer. Auriez-vous quelques conseils pour éviter qu'à partir du 11 mai, cela reparte de plus belle, voire pire ?"

La réponse de Catherine Blanc

"Benjamin arrive à gérer ce manque et c'est extraordinaire : en amont de ce confinement, il n'aurait pas imaginé que ce puisse être possible. Il y avait une sorte de boulimie sexuelle, avec des coups d'un soir sans prendre le temps de la mesure de chacune de ces rencontres. La sexualité pour la sexualité, l'autre étant l'objet de cette excitation et cette sexualité.

Le confinement venant, une semaine, deux semaines, un mois… La vie se passe plutôt bien, ça ne veut pas dire que le sujet de la sexualité a disparu mais maintenant, c'est son inquiétude après le confinement que tout redevienne comme avant voire pire. Cela veut dire que cet avant n'était pas satisfaisant : c'était un avant boulimique, pas nécessairement confortable, il y avait une excitation mais pas nécessairement d'aboutissement en tant qu'homme. Il est en train d'expérimenter le sevrage et la frustration. Il attend et il voit que tout se passe bien, qu'on n'en meurt pas. C'est plutôt une très bonne nouvelle.

Il n'est donc pas si accro, si ?

C'est presque une idée qu'il se fait de lui-même d'être accro, comme si ça lui donnait une fonction sociale, d'identification, de réduction. Tout d'un coup, le champ des possibles s'ouvre pour essayer de faire émerger autre chose, en tentant de faire de la sexualité autre chose qu'une réclamation perpétuelle, mais l'occasion de découverte de soi, dans le lien à l'autre, et de l'autre, indépendamment de la sexualité. Ce peut être une vraie occasion de réenvisager la sexualité et du désir et de comprendre ce que c'est : s'agit-il bien de désir sexuel ou est-ce autre chose qui est agissant ?

Benjamin ne risque-t-il pas de vouloir "rattraper le temps perdu" ?

Rattraper le temps perdu, c'est un peu comme si le jour où les restaurants rouvraient, on prenait quatre ou cinq repas dans la journée pour rattraper. Ce qui est perdu est perdu. Ce que l'on aura appris est un apprentissage formidable : l'idée qu'il nous faudrait rattraper une sexualité que l'on n'a pas eue, ce serait penser qu'on ferait des réserves. Et ce serait se dégoûter des jours où dans un élan boulimique on serait dans une consommation sans mesure aucune.

On ne s'est pas perdus pendant le confinement sous prétexte qu'on a stoppé un temps de sexualité. En revanche, on peut en profiter à la réouverture des liens possibles dans la sérénité, on peut mesurer le goût ne serait-ce que toucher l'autre. Ce sera la première question : peut-on le faire ? Il faudra prendre la mesure de tous ces plaisirs qu'on avait peut-être oubliés au prétexte de l'urgence de pénétration et de sexualité réduite à nos organes génitaux."