La privatisation des radars embarqués suscite la grogne des automobilistes

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M.B.
SÉCURITÉ ROUTIÈRE - Prévue à partir de janvier 2017, cette mesure s'apparente, selon les associations d'automobilistes, à une course au profit.

Ils sont actuellement environ 320 à sillonner les routes françaises pour flasher les conducteurs au pied un peu lourd sur l'accélérateur. Les radars embarqués, qui devraient être au nombre de 440 d'ici à 2018, sont aujourd'hui conduits par des policiers ou des gendarmes. Mais à partir du 1er janvier 2017, leur utilisation sera déléguée à des sociétés privées.

Déléguer pour mieux sécuriser. L'annonce n'est pas nouvelle. Elle remonte à octobre 2015, lorsque Manuel Valls avait décidé de se ranger à l'avis du Conseil national de la sécurité routière (CNSR). Ce dernier préconisait en effet "d'augmenter, dans les meilleurs délais, l'utilisation des radars embarqués dans les véhicules banalisés, en confiant leur mise en œuvre à des prestataires agréés". Cette suggestion avait d'abord pour but de répondre aux mauvais chiffres de la mortalité routière. Ils ont augmenté de 3,5% en 2014 et de 2,5% l'an dernier. Depuis les préconisations du CNSR, un autre impératif est venu s'ajouter à l'équation : celui de la sécurité. Après les attentats du 13 novembre, et alors que la menace terroriste reste élevée, l'Etat préfère affecter les forces de l'ordre à d'autres tâches que la sécurité routière.

L'Etat "abandonne une fonction régalienne". Déléguer la conduite des voitures banalisées qui transportent les radars apparaît donc comme une solution idéale pour les pouvoirs publics. Actuellement, elles ne circulent qu'1h13 par jour en moyenne. Gérés par des sociétés privées, les radars embarqués pourraient être utilisées entre trois et quatre fois plus, de jour comme de nuit. Mais le procédé hérisse les associations d'automobilistes, qui dénoncent d'abord un retrait malvenu des pouvoirs publics. "Voir une fonction régalienne abandonnée par l'Etat qui démissionne, cela choque", pointe ainsi au micro d'Europe 1 Me Eric de Caumont, président de l'association des avocats de l'automobile.

Les prestataires ne verbalisent pas. Un argument balayé par Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la sécurité routière. "En aucun cas, la société privée ne constate l'infraction. La verbalisation est constatée à Rennes, par un gendarme ou un policier", explique-t-il sur Europe 1. Pas question, donc, de désengagement de l'Etat, ce qui serait d'ailleurs contraire à la Constitution, rappelle Emmanuel Barbe. Ce dernier préfère parler d'"externalisation" plutôt que de "privatisation".

Entendu sur europe1 :
Une société privée veut faire de ses produits des machines à flash, des machines à cash.

"Machines à flash". Mais ce n'est pas suffisant pour calmer la colère des automobilistes, qui craignent aussi une course au profit, donc à la verbalisation. "Une société privée veut faire de la rentabilité, faire de ses produits des machines à flash, des machines à cash", dénonce Pierre Chasseray, délégué général de l'association 40 millions d'automobilistes sur Europe 1. Selon lui, la privatisation des radars embarqués ne pourra qu'aboutir, à terme, à une hausse des contraventions. Emmanuel Barbe, lui, promet que les entreprises prestataires, choisies dans le cadre d'un marché public, "ne seront en aucun cas rétribuées en fonction du nombre de contraventions". Leur itinéraire même sera très encadré, suivant un tracé établi par les pouvoirs publics. 

Ces garanties ne suffisent pourtant pas aux associations d'automobilistes. "Même si ces sociétés ne sont pas rémunérées sur le chiffre, elles pourront toujours se dire que si elles ont un beau tableau de chasse, leur contrat sera renouvelé", estime Me Eric de Caumont. De son côté, l'association 40 millions d'automobilistes a lancé une pétition jeudi pour "agir contre ce projet aberrant".