La crise sanitaire a freiné son projet de PMA : "Ça a été une année violente"

Le projet de PMA d’O. est rendu incertain à cause de la crise sanitaire.
Le projet de PMA d’O. est rendu incertain à cause de la crise sanitaire. © Pixabay
  • Copié
Léa Beaudufe-Hamelin , modifié à
O. doit entamer un protocole de PMA au Portugal au mois de mai prochain, après deux premiers échecs. Mais son projet est rendu incertain à cause du Covid-19. Sur "La Libre antenne", O. explique combien la crise sanitaire exacerbe les difficultés déjà existantes pour mener à bien un projet de PMA.
TÉMOIGNAGE

O. est atteinte d’endométriose, une maladie gynécologique qui l’a rendue stérile. Elle a alors mené un parcours de procréation médicalement assistée (PMA) à l’étranger, mais ses deux premières tentatives ont échoué. Elle doit entamer un troisième protocole au Portugal au mois de mai prochain, mais son projet est mis à mal par la crise sanitaire due au Covid-19. Au micro de "La Libre antenne", sur Europe 1, O. se confie sur la difficulté de gérer une PMA en tant que femme seule, surtout en cette période de crise sanitaire.

"J’ai 38 ans. Au mois de janvier 2020, j’ai entamé un parcours de PMA en solo qui venait dans la continuité d'une maladie dont on parle de plus en plus : l'endométriose. Il y a un an, je suis partie à l'étranger, pour effectuer le premier transfert. J’ai fait cette première tentative au mois de janvier et une deuxième au mois de septembre 2020. Elles n’ont pas fonctionné. Puis il y a eu la crise sanitaire. Un an après, la situation est la même pour moi. En plus de la crise sanitaire, j’ai dû gérer et assumer ces échecs seule.

" Ce sont des échecs qui s’assument en solo "

J’ai relancé un protocole en début d'année qui va me mener au Portugal. Mon départ était prévu au début du mois de mai. Mais aux dernières nouvelles, le Portugal impose une quarantaine de 14 jours aux voyageurs. Donc, le projet prend un nouveau coup de frein. L'année a été très difficile. Ce sont des échecs qui s’assument en solo. Le confinement et le couvre-feu sont difficiles pour les gens qui vivent seuls. On pense beaucoup aux personnes qui doivent gérer leur famille, mais quand vous vivez seule, vous n'avez pas d'échappatoire. Ça a été une année violente. 

Le Portugal autorise la PMA aux personnes seules ou aux couples homoparentaux. Malheureusement, contrairement à l'année dernière, je suis maintenant stérile. Je ne peux pas donner mes gênes. Donc, j'ai besoin d'un donneur et d'une donneuse. Ces protocoles ont été faits. Des embryons ont été fabriqués, mais mon aller-retour qui était prévu au début du mois de mai n'est pas possible. Ces embryons vont donc être cryogénisés et partir en conservation. Je ne sais pas combien de temps je vais devoir attendre. 

" Parfois, je me dis que si la nature ne me permet pas d'être maman, pourquoi m’obstiner ? "

La première fois, j'étais entourée de mes amis et ma famille. C’était une erreur de mettre beaucoup de personnes au courant de mon projet. Les gens ne se rendent pas compte de l'investissement personnel que c’est. Il y avait des personnes autour de moi qui étaient très enthousiastes et qui ne comprenaient pas que ça pouvait ne pas marcher et que l'échec était dur à gérer. Pour cette fois, j'ai préféré mettre peu de personnes au courant. 

À la différence de la dernière fois, je suis accompagnée par un psy depuis fin janvier, pour anticiper un éventuel échec. On travaille pour que je sois plus optimiste, parce que je suis habituée à gérer l'échec. Pour que ça marche, il faut l'accepter et le vouloir. Avec les embuches qu’il y a, on ne sait plus si c'est vraiment ce que l'on veut. Parfois, je me dis que si la nature ne me permet pas d'être maman, pourquoi m’obstiner ?

" Le jour où j’aurai un enfant, c'est là que je serai guérie de mon handicap "

Ça s’accompagne de beaucoup d'angoisses, parce que ce ne sont pas des grossesses faciles et classiques. Il y a des risques de fausses couches jusqu'à trois mois. Je ne serai sereine qu’au bout de 9 mois, pas avant. À cause de toutes ces embuches, on devient un robot. Pour encaisser tous ces échecs, il ne faut plus avoir le cœur connecté au cerveau. Même si je suis proche de mes parents, ce sont des décisions que je dois prendre seule. Ce sont des tonnes de questions et la crise sanitaire s’ajoute à ça. 

Je deviens irritable. Je ne peux plus entendre parler de la PMA et de l’endométriose. Je le sais que c'est une maladie compliquée. Lutter contre la maladie pour pouvoir avoir un enfant, c'est mon quotidien depuis 18 mois. Le jour où j’aurai un enfant, c'est là que je serai guérie de mon handicap. Quand vous n'avez pas d'enfant à 38 ans, vous êtes stigmatisée. La problématique de mes collègues et mes amis, c'est de gérer les enfants pendant le confinement. La question ne se pose pas pour moi. Moi, je continue à travailler.

Au premier confinement, la PMA a été gelée pour toutes les personnes qui suivaient un protocole en France. On n'en a pas parlé. Quand vous êtes dans un projet de transfert d'embryon, à l'étranger ou en France, vous suivez des traitements lourds. C'est comme si vous étiez en pré-ménopause. On y a mis un coup d'arrêt sans prévenir. On condamne les cycles. On n’a pas pensé aux gens qui étaient en projet de famille. 

Si on m'avait dit qu’en plus de la douleur subie à cause de l’endométriose, je me retrouverais seule à 38 ans à mener un projet de PMA à l'étranger, je pense que j'aurais mis un peu plus d'argent de côté. Ça coûte entre 7 et 10.000 euros, et ça ne marche pas forcément. On épargne pour acheter une voiture ou une maison, pas pour faire un bébé. Mais c'est la réalité quand vous avez un certain âge avec une endométriose. Il ne faut pas oublier toutes ces personnes."