Heures supplémentaires accumulées par les policiers : l'épineux "chantier" que veut ouvrir Castaner

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Romain David , modifié à
Les invités de Wendy Bouchard, dans "Le Tour de la question" sur Europe 1, évoquent le problème des heures supplémentaires chez les forces de l'ordre, qui manifestent mercredi pour dénoncer leurs conditions de travail.
ON DÉCRYPTE

Horaires sans fin, bas salaires, équipements en mauvais état…  les policiers expriment leur ras-le-bol. Une première journée d’action est prévue ce mercredi dans toute la France, à l’appel des syndicats Alliance, Unité-SGP-FO, et Unsa-Police. Cette colère des "gyros bleus", qui succède à celle, pas encore complètement éteinte, des "gilets jaunes", agrège des revendications portées depuis plusieurs années. "La mobilisation autour du mouvement des 'gilets jaunes' est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase, mais ce ne sont pas les 'gilets jaunes' qui posent problème, ce sont des dossiers récurrents depuis des décennies, et qui ne se règlent pas", explique au micro de Wendy Bouchard dans Le Tour de la question, sur Europe 1, Denis Jacob, le secrétaire général de Alternative Police-CFDT. Et au sommet de la pile figure l'épineux dossier du paiement des heures supplémentaires, devenu l'un des principaux points de crispation du côté des forces de l'ordre.

"L'Etat doit actuellement presque 275 millions d'euros aux policiers au titre des heures supplémentaires, non pas ces derniers mois, ni ces dernières années, mais depuis des dizaines d'années", a reconnu mardi Christophe Castaner, le ministre de l'Intérieur. Et d'avouer aussitôt : "C'est un chantier que je veux ouvrir, mais je ne peux pas dire, d'un claquement de doigt, que je vais trouver 275 millions d'euros."

>> De 9h à 11h, c'est le tour de la question avec Wendy Bouchard. Retrouvez le replay de l'émission ici

Un nombre d'heures vertigineux. Après une baisse entre 2011 et 2014, le nombre d'heures supplémentaires accumulées par les policiers est sensiblement reparti à la hausse en raison notamment du dispositif mis en place face à la menace terroriste, selon un rapport de la Cour des comptes de mars 2018. De son côté, le Sénat chiffrait en 2017 le nombre total d'heures supplémentaires non récupérées ou indemnisées à 22 millions. Un record. Comment en est-on arrivé là ? Il faut rappeler qu'une fois sur le terrain, un agent n'est pas en mesure de refuser les heures supplémentaires que peut lui imposer les brusques aléas du contexte sécuritaire : violences en marge d'une manifestation, attaque terroriste, traque d'un fugitif, etc.

"Par principe, les heures supplémentaires dans la police ne sont pas payées, elles sont obligatoirement récupérable en temps de repos. Mais aujourd'hui, les effectifs et la structuration de la police nationale, par une superposition trop importante d'unités et de services, ne permettent pas aux effectifs de chaque unité de prendre ce temps de repos", explicite Denis Jacob.

Entendu sur europe1 :
Quel employeur en France pourrait ne pas payer les heures ?

Un budget trop serré. Aujourd'hui, la récupération de l'intégralité de ces heures supplémentaires semble inimaginable à mettre en place, certains agents pourrait d'ailleurs prétendre à une ou deux années d'absence, tant le stock accumulé est important. La compensation financière apparaît comme la solution privilégiée par l'exécutif. Une prime de 300 euros à l'attention des agents mobilisés sur les "gilets jaunes" a d'ailleurs été proposée par amendement du projet de loi de finances 2019. Une manière aussi pour le gouvernement de tempérer, alors que la grogne des "gilets jaunes" n'est pas encore retombée, et que le travail des forces de sécurité reste crucial après plusieurs week-ends de violences.

Pour l'heure, l'exécutif n'a pas les moyens de proposer un calendrier de paiement, en raison notamment d'un budget qui doit déjà absorber les aides concédées par Emmanuel Macron le 10 décembre. "Les actes sont en décalage complet avec le discours. Quel employeur en France pourrait ne pas payer les heures ?", réagit le sénateur de la Moselle François Grosdidier, rapporteur de la commission d’enquête sur l’état des forces de sécurité intérieur, également invité de La France bouge.

Diminuer les tâches administratives. Pour ce Républicain, l'exécutif devra aussi apporter une réponse structurelle pour mettre fin à l'inflation. "Le problème c'est que nos policiers et gendarmes passent les deux tiers de leur temps sur des tâches procédurales et administratives, et sur les tâches indues, contre un tiers seulement sur le terrain", pointe-t-il. "Le gouvernement dit en avoir conscience, et propose une réforme de la procédure pénale, mais qui est encore trop timide", estime l'élu.