Enzo, Léa, Inès : les petits-enfants d'immigrés ont les mêmes prénoms que la population majoritaire

Léa fait partie des prénoms les plus donnés en France, en particulier dans les familles originaires d'Europe du Sud.
Léa fait partie des prénoms les plus donnés en France, en particulier dans les familles originaires d'Europe du Sud. © FRANK PERRY / AFP
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Une vaste étude de l'Ined publiée mercredi révèle l'évolution des prénoms des enfants issus de l'immigration sur trois générations, en comparant les populations d'origine d'Europe du Sud et d'origine maghrébine.

Le choix des prénoms des enfants est souvent présenté comme un indice d'intégration des populations immigrées, et la part croissante de prénoms d'origine étrangère parmi les plus donnés en France alimente régulièrement les polémiques. Une étude publiée mercredi par l'Ined révèle pour la première fois l'évolution des choix de prénoms sur trois générations, grâce à l'étude des cohortes de populations originaires d'Europe du Sud et du Maghreb suivies par l'enquête Trajectoires et Origines, réalisée par l'Ined et l'Insee en 2008. 

Premier enseignement : la plupart des petits-enfants d'immigrés portent, en 2008, les mêmes prénoms que ceux de la population majoritaire, avec des Thomas, Lucas et Léa d'origine italienne ou espagnole, et des Nicolas, Inès ou Sarah d'origine maghrébine.

Une homogénéisation à deux vitesses. En revanche, cette homogénéisation ne s'est pas faite au même rythme pour les Européens du Sud et les Maghrébins. Alors que les premiers s'appelaient, à leur arrivée en France,  José, Antonio ou Maria, leurs enfants ont été baptisés, dès la deuxième génération, Jean, Marie ou Sandrine. Du côté des Maghrébins, les nouveaux arrivants s'appelaient Mohamed, Ahmed ou Fatima, et ont donné à leur tour à leurs enfants des prénoms arabo-musulmans, comme Karim ou Mehdi. A noter toutefois que chez les filles, les prénoms de la deuxième génération ont souvent été piochés dans un répertoire commun au Coran et à la Bible, avec de nombreuses Sarah et Myriam. 

Les nouveaux prénoms "internationaux" plébiscités. Par ailleurs, l'étude montre que cette convergence entre populations d'origine immigrée et population majoritaire ne s'est pas tant faite autour de prénoms typiquement français qu'autour de prénoms "internationaux", qui se sont multipliés depuis les années 1990 et la libéralisation des registres d'état civil, en référence à des personnages de films ou à des célébrités. Ethan, Liam et Mila font ainsi partie des vingt prénoms les plus donnés en 2017, alors qu'ils étaient quasiment inexistants en France avant 2000.

Certains prénoms latins, comme Enzo, se sont imposés au sein de ce nouveau répertoire, séduisant à la fois les familles d'origine d'Europe du Sud et celles de la population majoritaire. L'étude note en outre que les nouveaux prénoms, s'ils sont portés par des enfants d'origine arabo-musulmane, sont rapidement perçus à tort comme maghrébins par la population majoritaire. C'est par exemple le cas du prénom Yanis, qui est la forme grecque (et pas arabe) de Jean. 

Une résistance des populations très religieuses. Enfin, l'enquête révèle une résistance à l'homogénéisation des populations les plus religieuses. Ainsi, alors qu'environ un petit-enfant d'immigré sur cinq porte un prénom arabo-musulman, cette proportion monte à plus de trois sur cinq dans les familles à forte religiosité. "Ce n'est que dans ce cas que l'on constate une rétention culturelle à la troisième génération", souligne l'étude.