Du "roc" aux aveux incomplets : les enquêteurs face à l'insondable Nordahl Lelandais

Nordahl Lelandais doit à nouveau être entendu par les enquêteurs, jeudi (photo d'archives).
Nordahl Lelandais doit à nouveau être entendu par les enquêteurs, jeudi (photo d'archives). © JEAN-PIERRE CLATOT / AFP
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L'ex-militaire doit être entendu jeudi, pour la première fois depuis ses aveux dans l'affaire Maëlys. Le mobile et le mode opératoire du meurtre restent pour l'instant flous.

Livrera-t-il, comme annoncé, les détails de la mort de Maëlys ? Une semaine après ses aveux et sa coopération, qui ont permis de retrouver le corps de la fillette de 8 ans, disparue fin août, Nordahl Lelandais  doit à nouveau être entendu par les enquêteurs, jeudi. L'ex-militaire, qui s'est pour l'instant contenté d'affirmer avoir tué l'enfant par "accident", doit encore répondre à de nombreuses questions. L'audition permettra de savoir jusqu'à quel point le trentenaire, dont les gendarmes et magistrats peinent encore à cerner la personnalité, entend collaborer.  

"Beaucoup de sang-froid". Pendant cinq mois et demi, les enquêteurs ont en effet fait face à un roc. Mis en examen pour enlèvement et écroué le 3 septembre dernier, Nordahl Lelandais nie tout en bloc. L'homme est désigné par une trace ADN sur le tableau de bord de sa voiture, notamment. Les gendarmes l'y confrontent. Posément, il explique avoir sympathisé avec Maëlys, huit ans, à la fête de mariage où ils venaient de faire connaissance. L'homme, ancien éleveur canin, a réponse à tout : c'est parce que l'enfant a insisté pour vérifier qu'aucun chien ne s'y trouvait qu'il l'a laissée monter dans sa voiture, avant qu'elle n'en descende et ne retourne jouer. Si ses bras sont éraflés, c'est parce qu'il a jardiné quelques jours auparavant. Et s'il a jeté le short qu'il portait ce soir là, c'est parce qu'il était taché de vin et de vomi.

"C'est un homme qui s'explique calmement, avec beaucoup de sang-froid", lâche le procureur de Grenoble, Jean-Yves Coquillat, fin novembre. En examinant les images de vidéosurveillance de Pont-de-Beauvoisin, les enquêteurs ont trouvé des images du véhicule de Nordahl Lelandais, avec, à l'avant, "une silhouette frêle" en robe blanche, correspondant à celle de Maëlys. Le suspect est mis en examen pour meurtre. Il maintient ses dénégations. Dans les médias, les photos publiées sur son compte Facebook sont abondamment diffusées et le montrent souvent torse nu ou en t-shirt moulant, le visage fermé, entouré de ses chiens.

"Un bloc de béton pris dans la glace". Un mois plus tard, l'affaire Maëlys est rapprochée de celle du meurtre d'Arthur Noyer, un jeune militaire disparu au printemps à Chambéry, et dont les derniers déplacements coïncident parfaitement avec ceux de Nordahl Lelandais. Une nouvelle équipe d'enquêteurs entend le suspect. Ce dernier est "comme un bloc de béton pris dans la glace", décrira l'un des gendarmes au Parisien. Les éléments sont suffisamment lourds pour permettre une seconde mise en examen. Elle ne fait pas ciller le suspect.

C'est finalement à la découverte de nouveaux indices accablants - une trace de sang de Maëlys dans sa voiture, méthodiquement désossée par les enquêteurs - que le suspect change brutalement d'attitude, mi-février. Alors que sa prochaine audition n'est prévue que plusieurs jours plus tard, Nordahl Lelandais demande à son avocat de la faire avancer. En larmes, il va dire où est Maëlys et reconnaître l'avoir tuée "involontairement", sans plus de précision. "Il a indiqué qu'il souhaitait d'abord que le corps de Maëlys soit retrouvé, et qu'il s'expliquerait ultérieurement", commente son conseil, Me Jakubowicz.

"Un changement de comportement". Et maintenant ? Comment poursuivre l'enquête autour d'un insondable suspect, passé de la dénégation la plus totale aux aveux ? Depuis vendredi, l'homme se trouve dans une cellule capitonnée, au sein de l'unité hospitalière spécialement aménagée de la prison de Lyon-Corbas. "Suite à ses aveux un changement de comportement a été constaté", et une surveillance particulière a été mise en place pour "éviter tout passage à l'acte", a indiqué l'administration pénitentiaire. Nordahl Lelandais n'a pas tenté de mettre fin à ses jours. Mais conserve le visage "anéanti" affiché lors de ses confessions, selon les termes de son avocat.

Pour tenter d'en savoir davantage, les enquêteurs continuent de décortiquer la personnalité du trentenaire, dont il n'est "pas peu dire" qu'elle se trouve au centre des investigations, selon une source interrogée par Le Monde. Les gendarmes ont d'ores et déjà établi que le suspect, qui affichait ses conquêtes féminines, fréquentait par ailleurs des sites de rencontres homosexuelles. Un homme se présentant comme son "plan cul" s'est présenté aux enquêteurs. Un autre affirme que Nordahl Lelandais l'a suivi en voiture jusqu'à une aire d'autoroute, après qu'il l'avait éconduit en boîte de nuit. Pour centraliser d'éventuels cas similaires, une cellule de coordination a été créée au pôle judiciaire de la gendarmerie nationale à Pontoise, afin de recouper le "parcours de vie" du suspect et les disparitions ou crimes non élucidés.

"Il a toujours été fermé". Grâce à ce travail minutieux, les militaires espèrent trouver de nouveaux éléments, suffisamment solides pour influer sur les futures auditions du trentenaire. Les enquêteurs explorent également la piste d'éventuels attouchements subis par Nordahl Lelandais dans son adolescence, qui l'auraient poussé à interrompre un cursus de sport-étude. Autant de détails qui pourraient s'avérer décisifs. Dans la récente affaire Daval, les enquêteurs se sont inspirés d'une méthode canadienne consistant à recueillir la parole avec empathie, en déroulant la vie du suspect jusqu'à détecter des comportements ou des gestes trahissant son implication. Ils ont ainsi confondu Jonathann Daval, soupçonné du meurtre de son épouse.

Mais dans le dossier Lelandais, les gendarmes avancent à tâtons. "Il a toujours été fermé", a confié son frère Sven à l'émission Sept à Huit."Il devait savoir qu'il avait un problème mais il ne s'est jamais confié à personne", estime un ami, interrogé par Le Parisien. "Qu'il ait pu mentir lors de ses interrogatoires ne me choque pas, ni qu'il ait pu s'enferrer dans ses mensonges", renchérit une ancienne petite amie auprès du Monde. "Cela fait complètement partie de sa personnalité."

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