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Thibaud Le Meneec
Selon l'historien médiéviste et spécialiste des couleurs Michel Pastoureau, ce que subissent les roux aujourd'hui est moins grave qu'il y a quelques siècles, même si le problème n'est pas réglé.
LE TOUR DE LA QUESTION

Subit-on moins de moqueries et de brimades en étant roux aujourd'hui qu'il y a plusieurs siècles ? "Les choses changent, mais vraiment très lentement", constate Michel Pastoureau, historien médiéviste, spécialiste des couleurs et contributeur du livre Roux ! L’obsession de la rousseur, de Jean-Jacques Henner à Sonia Rykiel, au Seuil, qui parait jeudi.

"Longtemps considéré comme péjoratif". Pour le spécialiste, invité jeudi du Tour de la question avec Wendy Bouchard, l'ostracisme infligé aux personnes à la chevelure rousse s'explique par la permanence d'un "ADN social" transmis de générations en générations, car les roux sont critiqués depuis de nombreux siècles. "En Occident, le roux a longtemps été considéré comme péjoratif, comme s'il réunissait les mauvais aspects de la couleur jaune et les mauvais aspects de la rouge", retrace Michel Pastoureau.

Dès l'Antiquité grecque, égyptienne ou romaine, la rousseur fut autrefois "associée au mensonge et à la trahison". "Avoir les cheveux roux, c'est ne pas être comme tout le monde donc ça a quelque chose d'inquiétant pour la société médiévale qui n'aime pas ce qui est hors norme", poursuit-il.

>> De 9h à 11h, c’est le tour de la question avec Wendy Bouchard. Retrouvez le replay de l’émission ici

Poil de Carotte ou Spirou pour revaloriser les roux. Mais "la rousseur se revalorise : ç'a été bien pire dans les sociétés anciennes qu'au 19ème ou 20ème siècle", indique l'historien, qui parle d'une "inversion des codes à l'époque romantique". 

Et la situation serait malgré tout plus favorable aujourd'hui, grâce à des personnages comme Spirou, Fifi Brindacier ou Poil de Carotte. "Un héros ne doit pas être comme les autres, donc il faut faire un écart. On puise dans les attributs de la singularité" et donc dans la rousseur, explique Michel Pastoureau. "Ç'a contribué à revaloriser la chevelure rousse pour les époques récentes." Selon lui, il y a donc "un changement de regard par rapport à il y a quelques siècles. Ça va mieux", se réjouit le spécialiste.

"Tu pues", "sorcière"… Pourtant, les problèmes demeurent. "La vie a fait que je me suis armée contre [les insultes comme] 'tu portes malheur', 'tu pues', 'ne te mets pas à côté de moi', 'sorcière'", énumère Caroline, qui dit avoir été agressive pour se défendre. "Quelles que soient les politiques des autorités, on ne peut rien faire contre les croyances, les superstitions et le monde des symboles", déplore Michel Pastoureau. "Le combat n'est pas complètement gagné."