L'ESSENTIEL - "Gilets jaunes" : forte hausse de la mobilisation avec 84.000 manifestants

Les "gilets jaunes" se sont mobilisés en masse pour cet "acte 9".
Les "gilets jaunes" se sont mobilisés en masse pour cet "acte 9". © CHARLY TRIBALLEAU / AFP
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avec Pierre Herbulot, Jean-Jacques Héry, le service Police-Justice et AFP , modifié à
Deux mois après la première mobilisation, le mouvement des "gilets jaunes" a repris de la vigueur ce samedi pour "l'acte 9", avec 84.000 manifestants dans toute la France. 

Le lancement imminent du "grand débat national" n'y a rien changé : les "gilets jaunes" se sont à nouveau rassemblés ce samedi dans toute la France. Et pour cet "acte 9", la mobilisation a connu un sursaut, avec 84.000 manifestants dans toute la France, alors qu'ils étaient 50.000 la semaine précédente. 

Les principales informations à retenir :

  • 84.000 "gilets jaunes" ont été recensés dans toute la France samedi, signant une forte hausse de la mobilisation 
  • Des heurts ont éclaté à Paris, Bourges ainsi que dans plusieurs autres villes, mais ont été contenus 
  • 244 personnes ont été interpellées sur l'ensemble du territoire

Mobilisation en forte hausse pour "l'acte 9"

84.000 manifestants. Le mouvement des "gilets jaunes" a repris de la vigueur : selon le ministère de l'Intérieur, 84.000 personnes ont manifesté samedi, un chiffre qui signe une hausse spectaculaire de la mobilisation alors que 50.000 "gilets jaunes" avaient été recensés la semaine dernière. Ce décompte du gouvernement est le seul disponible : le mouvement des "gilets jaunes" n'étant pas structuré comme peuvent l'être les syndicats, il ne fournit pas de chiffres nationaux aux médias. 

244 interpellations. D'après le ministère de l'Intérieur, 244 personnes ont été interpellées sur l'ensemble de la France, et 201 placées en garde à vue. Des chiffres toutefois loin de ceux enregistrés lors du samedi 8 décembre, quand les forces de l'ordre avaient procédé à près de 2.000 interpellations, qui avaient donné lieu 1.709 garde à vue. Quelque 80.000 membres des forces de l'ordre ont été mobilisées sur l'ensemble du territoire pour cet "acte 9". 

Quelques échauffourées à Paris

Le plus important cortège. Quelque 8.000 manifestants ont été comptabilisés par le ministère de l'Intérieur dans la capitale, ce qui en fait le plus important cortège de cet "acte 9". Le défilé s'était formé à la mi-journée près du ministère des Finances, avant de prendre la direction de la Bastille puis des Champs-Elysées, aux cris de "Macron démission" et de "Benalla en prison". "Les gens sont motivés, je suis infirmière mais je ne viens pas que pour moi, je viens aussi pour les personnes âgées dont je m'occupe et qui ont un pouvoir d'achat diminué, pour les étudiants qui ne peuvent pas se payer leurs soins de santé, je viens aussi pour mes enfants...", a énuméré au micro d'Europe 1 Chantal, venue de Picardie. 

Tensions près de l'Arc de Triomphe. Partie dans le calme, la marche s'est achevée près des Champs-Elysées, où ont alors éclaté des échauffourées en début d'après-midi. Des manifestants étaient venus équipés de casques, masques et fumigènes. Peu après 14h30, les forces de l'ordre ont essuyé des jets de projectiles sur l'avenue de Wagram et répliqué par des tirs de grenades lacrymogènes. Pour repousser les manifestants, les forces de l'ordre ont aussi fait usage des canons à eau. Vers 19h, la place de l'Etoile a été finalement vidée de tous ses manifestants. 

Des dizaines de camions de CRS avaient été déployés, et 5.000 hommes mobilisés. La Préfecture de police a fait état de 156 interpellations, notamment pour port d'arme prohibée et participation à un groupement en vue de commettre des violences, dont 108 ont été placées en garde à vue. Deux personnes se trouvaient samedi soir en "urgence absolue", dont un policier, et 22 en "urgence relative", dont un policier, après ces heurts. 

saisie

La préfecture de police a communiqué sur les saisies réalisées ce matin à Paris. ©Préfecture de police de Paris

"Zéro casse". D'après les informations d'Europe 1, les militants d'ultra gauche et d'ultra droite se sont tenus à l'écart du cortège parisien ce samedi. Un service d'ordre avait été mis en place par les "gilets jaunes" pour la première fois, dans le but d'encadrer la manifestation et éviter les débordements. En dépit de certains manifestants bien déterminés, il y a eu "zéro casse. Objectivement, ils étaient moins violents", a commenté une source proche du dossier à Europe 1. Aucune dégradation n'a eu lieu sur le parcours, seuls une poubelle et un kiosque à journaux ont été légèrement dégradés dans le secteur de la place de l'Etoile.

Rassemblement inédit à Bourges

"Le centre de la France". C'est l'une des nouveautés de cet "acte 9" : des "gilets jaunes" avaient appelé à se rassembler à Bourges, dans le Cher, car la ville est "à une distance équivalente des grandes villes" de l'Hexagone. Quelque 6.300 "gilets jaunes" y ont défilé samedi sur un parcours autorisé dans le calme, tandis que 500 ont choisi de manifester dans le centre-ville, a indiqué la préfecture du Cher, qui avait interdit tout rassemblement dans le centre historique.

Affrontements dans le centre-ville. Des heurts ont éclaté vers 15h dans une artère commerçante du centre-ville, et ont été sporadiques tout l'après-midi. Les manifestants ont jeté des projectiles, tandis que les forces de l'ordre ont répliqué à coups de grenades lacrymogènes et chargé les manifestants. Deux "gilets jaunes" de 17 et 28 ans ont été blessés par des tirs de lanceurs de balle de défense. 19 personnes ont été interpellées. 

Des heurts en fin de parcours  

Des journalistes agressés. Comme chaque semaine depuis près de deux mois, des violences ont éclaté dans plusieurs villes de France, notamment en fin de manifestation. A Rouen, des journalistes de LCI et de France 3 Normandie ont été pris pour cible, ont rapporté les deux chaînes de télévision. "L'une de nos équipes a été agressée. Ils étaient avec deux agents de sécurité. L'un de ces agents de sécurité est examiné à l'hôpital", a affirmé LCI. 

A Paris, une équipe de journalistes de LCI a aussi été prise à partie par quelques manifestants, une journaliste a été jetée à terre avant d'être protégée par d'autres manifestants, et un agent de sécurité accompagnant un vidéaste de l'AFP a, lui, reçu des coups de matraque de la part des forces de l'ordre. A Toulouse, une journaliste de La Dépêche a été prise à partie alors qu'elle se trouvait dans une voiture du journal, et menacée aux cris de "on va te sortir et te violer". 

Toulouse, 6.000 "gilets jaunes" se sont rassemblés dans le centre et des affrontements ont éclaté dans l'après-midi sur la place du Capitole, alors noyée sous les gaz lacrymogènes, la police tentant de repousser des groupes très mobiles qui leur lançaient des projectiles. "Macron bâtard", "Macron dégage" ont taggé des manifestants sur la façade de la mairie. Les cafés et commerces alentour, où beaucoup de clients se réfugiaient, ont aussi fermé leurs grilles. Treize personnes ont été "légèrement" blessées et 33 interpellées pour des "dégradations et des violences".

A Bordeaux, 6.000 "gilets jaunes" ont manifesté, une mobilisation supérieure à celle de samedi dernier qui consacre à nouveau la capitale de Nouvelle-Aquitaine comme l'un des bastions du mouvement. Comme chaque samedi, des heurts ont éclaté à la tombée de la nuit en centre-ville, place Pey-Berland. Manifestants et forces de l'ordre ont échangé jets de bouteilles et quelques pavés d'un côté, gaz lacrymogènes et jets de lanceurs d'eau de l'autre, avant que la police ne fasse évacuer la place. 36 personnes ont été interpellées. 

15 personnes ont été par ailleurs interpellées à Nantes. Les forces de l'ordre ont répliqué quand des manifestants ont tenté de monter, avec une échelle, sur un mur protégeant la préfecture. Plusieurs "black blocs" étaient présents dans le cortège. Des commerces ont été vandalisés, notamment une banque, une agence d'assurance et une chaîne de restauration rapide.

A Marseille, lors du parcours de la manifestation, un automobiliste en colère sorti de sa voiture avec une matraque télescopique a échappé de peu au lynchage. Seule l'intervention d'une dizaine de gendarmes casqués contraints d'utiliser une grenade lacrymogène lui a permis de rentrer dans sa grosse cylindrée et de s'échapper, au milieu d'une foule très excitée. Après la dispersion, des escarmouches entre manifestants et forces de l'ordre ont éclaté, avec une dizaine d'interpellations et dix policiers blessés par des projectiles.  

A Toulon, dans le Var, de véritables affrontements entre manifestants et forces de l'ordre ont aussi eu lieu, une semaine après une précédente manifestation émaillée de violences et une polémique née du comportement du commandant divisionnaire Didier Andrieux. Selon des journalistes de l'AFP, une trentaine de personnes s'en sont pris aux policiers postés devant le commissariat de la ville, et les affrontements ont duré plusieurs minutes. D'autres affrontements, "également violents", entre manifestants et forces de l'ordre, ont ensuite eu lieu aux abords du stade Mayol. 4 personnes ont été interpellées et un manifestant blessé à l’œil par un lanceur de balles de défense.  

Par ailleurs, environ 200 "gilets jaunes" ont manifesté sous haute sécurité aux abords de la villa d'Emmanuel et Brigitte Macron au Touquet. Des fourgons de CRS et des barrières ont maintenu les manifestants à distance de la maison du couple présidentiel. La manifestation s'est globalement déroulée dans le calme malgré quelques jets de projectiles de la part des manifestants auxquels les forces de l'ordre ont répondu par des tirs de gaz lacrymogènes. Deux personnes ont été interpellées. 

Hommage aux victimes. A Pau, les "gilets jaunes" ont défilé en portant 11 cercueils, comme l'a rapporté France Bleu Béarn, en hommage aux victimes tuées depuis le début du mouvement

Des "gilets jaunes" à Londres contre l'austérité

Des centaines de personnes, beaucoup revêtues d'un gilet jaune, ont défilé samedi à Londres pour dénoncer l'austérité et réclamer des élections générales anticipées, reprenant le symbole utilisé dans les manifestations françaises. Le cortège a défilé dans le calme jusqu'à Trafalgar Square, au son de tambours et aux cris dans les mégaphones. Sur les pancartes ou les gilets s'affichaient des slogans comme "May doit partir", "Le Royaume-Uni est brisé. Elections générales maintenant" ou "Tories dehors !", en référence aux conservateurs au pouvoir depuis 2010. Deux gilets jaunes français avaient été invités à participer au rassemblement, organisé par l'organisation classée à gauche "People's Assembly Against Austerity", avec le soutien du parti travailliste d'opposition, de syndicats et d'une organisation contre le racisme.

londres

Des Britanniques s'inspirent du mouvement des "gilets jaunes" français pour protester outre-Manche. ©TOLGA AKMEN / AFP