Cyprien a décidé de vivre sa vocation dans un monastère en Autriche. Photo d'illustration. 1:27
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À l'âge de 19 ans, Cyprien a décidé de devenir religieux après quelques années de tiraillement entre sa vocation et le monde de la fête. Il raconte son parcours au micro d'Olivier Delacroix, lundi.
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C'est une vocation qui a mis du temps à se confirmer, mais qui est aujourd'hui sans faille : à 27 ans, Cyprien est religieux dans un monastère de Vienne, en Autriche, huit ans après son choix d''entrer dans la communauté. Cette vocation remonte à l'enfance, marquée chez lui par les messes et le besoin d'authenticité, qu'il décrit à Olivier Delacroix sur Europe 1, lundi.

"Je viens d'une famille croyante, peu pratiquante, mais j'allais quand même régulièrement à la messe avec mon père le dimanche quand j'étais petit. Pour être honnête, c'était plus pour laisser ma mère tranquille qu'autre chose (rires). Ç'a ma toujours intrigué, parce qu'on parlait de valeurs, parce qu'il y avait une ambiance particulière dans l'église. Et parce que le dimanche, je pouvais rencontrer des gens que je ne voyais jamais, il y avait déjà un esprit de famille avec ces gens-là."

Pendant son adolescence, Cyprien oscille entre une vie de fêtard et une vie de croyant chez les scouts.

"Il y avait un point commun entre les deux : c'était une notion d'engagement total, d'aller jusqu'au bout de ce que je faisais. J'avais besoin d'authenticité, de trouver mes limites, comme tout adolescent. J'étais un peu tiraillé entre ces deux mondes, entre ces deux aspirations. Celles du monde de la nuit et de la fête, des bêtises et de la drogue. Et en même temps, je me sentais aussi bien dans des endroits où on me proposait de m'engager, de pouvoir me réaliser. Chez les scouts, ça m'a toujours été bien proposé. Ça m'a touché.

À 19 ans, j'ai été comme fatigué de ce tiraillement entre mes deux vies et de voir que je faisais du mal aux gens que j'aimais, à moi-même et à famille. Ça faisait plusieurs années que j'étais tiraillé, que cette idée-là était présente. Il y a un moment où moi, personnellement, j'ai pris la décision de me dire : voilà, il y a cette vie de religieux qui m'intéresse et on va essayer.

>> De 15h à 16h, partagez vos expériences de vie avec Olivier Delacroix sur Europe 1. Retrouvez le replay de l'émission ici

Je me suis rapproché de religieux dont j'avais été l'élève dans une école dans la région d'Annecy. Je leur ai exposé ma situation, ils m'ont accompagné. Je leur ai dit que j'aimerais bien essayer. Il m'a été proposé de venir regarder, vivre la vie en communauté, les week-ends. Assez vite, j'ai pris la décision de venir complètement et d'essayer 24 heures sur 24, sept jours sur sept, quitte à ce que ça ne marche pas. La première étape a été de rentrer en communauté et puis après, il y a différentes de formations.

Mon entourage a été un peu surpris, surtout de la part de mes amis. Ma famille était d'abord inquiète plus que surprise. Ils étaient inquiets que ça soit un choix totalement libre. Ce qui a aidé, c'est que je puisse partager avec eux ce qu'il y avait de beau, mais aussi les difficultés. Voir qu'il y avait des difficultés et que j'étais prêt à les affronter, ça a rassuré ma famille.

" La famille ose rarement le dire clairement, mais c'est toujours une souffrance pour elle "

De façon générale, ç'a toujours été bien reçu par les connaissances, la famille et les amis. Il y a eu beaucoup de questions. La famille ose rarement le dire clairement, mais c'est toujours une souffrance pour elle. Elle ne m'en a jamais fait part de façon négative. Au contraire, j'ai toujours été très bien accompagné. Tous les religieux et religieuses n'ont pas ce soutien-là de leur famille.

Ce qui est déjà venu bousculer ma vocation, c'est un deuil, qui est toujours quelque chose de difficile. Dans mon cas, c'est une incompréhension par rapport à la vocation religieuse. Ce sont des aspects négatifs, mais il y a aussi quelque chose qui peut être positif, comme tomber amoureux. On n'y échappe pas forcément quand on est religieux et ce sont des choses qu'il faut accepter. Pour moi, ce n'est pas forcément un mal : derrière, on peut se relever et ce sera une force. Si on arrive à traverser à cette crise de foi, on est encore plus sûrs de notre vocation."

L'avis de la spécialiste

Marjorie Llombart, experte en reconversion professionnelle et auteure de "Dessine-toi une carrière" :

"La vocation, c'est un appel intérieur qu'on va ressentir, un élan à faire quelque chose, de l'ordre d'une mission. On peut parler d'une foi intérieure. Avec la pratique que j'ai, il y a plusieurs facteurs qui peuvent expliquer l'origine d'une vocation : il y a quelque chose d'inné, avec des talents, des aptitudes qu'on sait faire naturellement sans bien savoir pourquoi. Dès l'enfance, avant l'âge de 6-7 ans, on peut détecter leurs talents, en lien avec la vocation.

La vocation peut connaître des crises de foi. Un événement extérieur peut faire reconsidérer le sens des priorités, sinon il n'y a pas vraiment de raisons que la vocation disparaisse. Si on atteint le point de non-retour, il faut s'arrêter ; réinventer sa voie fait partie de la vie professionnelle. Si on a la chance d'être conscients de sa vocation, c'est plutôt une histoire d'équilibre : aller vers sa vocation tout en s'écoutant, en ne s'oubliant pas, pour ne pas consacrer toute son énergie à sa vocation. On est plus dans un marathon qu'un sprint, il faut s'économiser pour pouvoir durer."