La philosophe et psychanalyste Cynthia Fleury était l'invitée d'Europe Matin jeudi. 7:25
  • Copié
, modifié à
Face à un condensé de crises, sociale, énergétique, sanitaire, la philosophe et professeur titulaire de la chaire "Humanités et Santé" du Conservatoire National des Arts et Métiers Cynthia Fleury est revenue au micro d'Europe 1 jeudi sur les défis qu'elles font peser sur nos vies individuelles et collectives.

Crise énergétique, crise sanitaire, guerre en Ukraine avec un risque nucléaire maintes fois évoqué... Les Français sont face à une longue succession de chocs. Toutes ces crises "sont enchâssées les unes avec les autres" et nous faisons l'expérience depuis la pandémie de Covid-19 de "l'intégration émotionnelle de ce qui nous a été dit depuis très longtemps", a analysé la philosophe et psychanalyste Cynthia Fleury au micro d'Europe 1 jeudi.

"Maintenant nous vivons et nous comprenons émotionnellement, dans nos corps, dans nos vies, de manière très ordinaire, par des successions d'effractions du réel qui vont avoir différents visages, ça peut être des coupures d'électricité, c'est tout être, et nous rentrons comme ça dans une banalisation de ce qu'on peut appeler des modes dégradés", a-t-elle poursuivi.

Comment vivre dans une société dite "dégradée" ?

Invitée d'Europe Matin jeudi, celle qui est également psychanalyste a étayé son propos. "Qu'est-ce que c'est que de vivre dans une société où les services hospitaliers basculent en mode dégradé ?" interroge-t-elle indiquant que les patients qu'elle a reçus parlent parfois "d'enfer" pour évoquer la situation dans les hôpitaux. "Non, ce n'est pas un enfer, c'est une histoire vieille comme le monde. Donc, on voit qu'il y a toute une succession d'effractions que le corps physique et que le corps psychique n'arrivent plus à digérer. L'aspect positif, il faut le dire, c'est que quand tout tangue, il y a des choses qui sont stables."

"Il y a une grande fatigue personnelle"

Face à une forme de déclassement ou de dysfonctionnement profond des services publics français comme dans les écoles, les hôpitaux ou face à la situation du parc nucléaire, l'impact sur les Français est d'une "grande érosion" et provoque une grande angoisse. Une "angoisse qui redécouvre sa coloration plus politique, existentielle" car elle est liée à des phénomènes collectifs comme le réchauffement climatique, la guerre en Ukraine, la dissuasion nucléaire, a-t-elle exposé. "Il y a une grande fatigue personnelle mais il y a un sentiment de se dire que le collectif n'est pas encore capable de produire une transformation collective" et à l'inverse "vous avez des individus qui ont le sentiment qu'individuellement quelque chose peut se faire." "C'est pour cela que l'angoisse est plus politique qu'elle n'a été par le passé, plus existentielle", a ajouté la psychanalyste sur Europe 1.