Coronavirus : le philosophe Edgar Morin se dit "opti-pessimiste" pour le monde d’après

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© PASCAL GUYOT / AFP
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Rémi Duchemin , modifié à
Le sociologue Edgar Morin, penseur de son temps, estime que la France se retrouve sur une ligne de crête pour ce qui concerne la sortie de la crise liée à l’épidémie de coronavirus. "Je ne suis ni pessimiste ni optimiste, je suis un esprit vigilant", explique le philosophe lundi sur Europe 1.
INTERVIEW

En mars dernier, alors que la première vague de l’épidémie de coronavirus déferlait sur la France, Edgar Morin prévenait que cette pandémie serait une "aventure incertaine où se développeront les forces du pire et celle du meilleur". Quelques mois plus tard, c’est une seconde vague qui frappe le pays, mais le sociologue et philosophe n’a pas changé d’avis. "On est dans une transition. Nous sommes encore dans cette crise multidimensionnelle qui nous concerne personnellement, chacun, et la planète tout entière", analyse-t-il, lundi sur Europe 1.

Qui dit transition dit donc l’émergence future d’un monde d’après. Mais avec quelles valeurs ? "Les forces du meilleur, ça serait les forces d'imagination, capables de trouver une voie, le salut. Et celles du pire, ce sont les forces de régression qui déjà se manifestaient avant la pandémie. Mais nous ne sommes pas encore dans le pire", nuance Edgar Morin.

"Je garde l'espoir raisonnable, mais pas d'euphorie. Et pas de désespoir"

Le philosophe se refuse toutefois à oser un pronostic. "Je ne suis ni pessimiste ni optimiste, je suis un esprit vigilant. Si vous voulez, je suis un opti-pessimiste", sourit-il. "Je pense que les choses vont probablement aller assez mal, mais je pense que le probable, comme nous l'avons vu souvent dans l'Histoire, ne se réalise pas et que c'est l'improbable qui arrive. Je garde l'espoir raisonnable, mais pas d'euphorie. Et pas de désespoir."

Le sociologue met enfin en garde contre les somnambulismes, qui nous empêchent de voir les dangers qui guettent la société. "Prenons l’exemple de la dégradation de la planète. On en a tellement peu pris conscience. Les nations n'ont pas pris les décisions qu'il fallait. Donc ça, c'était un cas typique de somnambulisme", affirme Edgar Morin. "D'autre part, nous sommes dans un monde où se multiplient les fanatismes, les armes nucléaires, les armes informatiques, où se multiplient les armes biochimiques et les dangers pandémiques. Je me rappelle très bien l'époque de la Résistance. On était très peu nombreux, mais on commençait à représenter le souhait d’un nombre toujours plus grand de nos concitoyens. Et donc, même si on n'était pas nombreux, on allait dans le bon sens."