Courses supermarché 1:21
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Mathilde Durand
Avec le confinement, les habitudes de consommation des Français ont été transformées : achats de proximité, volonté de "faire soi-même", prise de conscience de la surconsommation et de son impact environnemental. Philippe Moati, économiste et co-fondateur de l’observatoire Société et Consommation, s'interroge, mercredi sur Europe 1, sur la pérennité de ces changements.
INTERVIEW

Après 55 jours de confinement, les habitudes des Français ont été bouleversées. Faute de commerces ouverts pour cause de coronavirus, les ménages ont réduit leur consommation. Celle ci accuse ainsi un déficit de 35% selon l'Insee. Quant à l'épargne, les montants ont explosé. La période a aussi permis une prise de conscience de certains citoyens vers une consommation différente et plus respectueuse de l'environnement et des producteurs. Philippe Moati est économiste et co-fondateur de l'observatoire Société et Consommation. "Ce sont des changements radicaux, mais en réponse à la situation exceptionnelle", pointe l'économiste mercredi sur Europe 1.  

Faire soi-même, circuits courts mais bientôt un retour des contraintes

"Notre consommation s'est recentrée sur un tout petit nombre de postes budgétaires : l'alimentaire, à raison de deux repas par jour, et il a fallu occuper notre temps donc on a beaucoup utilisé le numérique", explique d'abord l'économiste, qui constate également des changements dans le mode de distribution. "On est allé au plus près".

"On a fréquenté les commerces de proximité, on a découvert - pour certains - le e-commerce alimentaire en drive ou avec livraison à domicile. On a fréquenté des réseaux directement auprès des producteurs, qui se sont improvisés durant la crise, et on a plutôt délaissé les hypermarchés", ajoute-t-il.

Si les circonstances étaient exceptionnelles et que ces changements de consommations se sont faits sous la contrainte du confinement, de nombreux Français souhaitent toutefois poursuivre certaines nouvelles habitudes. "Parmi les choses qui risquent de rester, c'est le 'faire soi-même', que souvent on a découvert et intensifié durant cette période de crise", explique l'économiste. Cuisine, bricolage, jardinage : une envie de travailler de ses mains.

Néanmoins, ces nouvelles passions risquent de se heurter dans le futur au retour à un rythme de vie classique. "On va renouer avec les mobilités pendulaires, (...), retrouver des contrainte de pouvoir achat", confirme Philippe Moati. "Le comportement est toujours un compromis entre un idéal, ce que l'on souhaite faire, et ce qu'on peut faire en fonction du jeu des contraintes." La situation exceptionnelle de la crise sanitaire du coronavirus pourra-t-elle changer les idéaux de la population au point de modifier ses habitudes de consommation ? 

Une consommation plus responsable dans la durée ? 

Le confinement a en tout cas permis à certains de repenser leur consommation : fin des achats impulsifs, achats de produits locaux, plus respectueux de l'environnement. "Il y avait déjà une dynamique avant la crise sanitaire qui faisait monter la posture critique de la population à l'égard consommation. De plus en plus de Français voulaient déjà consommer moins mais mieux", analyse l'économiste. Plus que de constater l'impact environnemental de leurs achats, certains se sont interrogés sur le bonheur et la satisfaction que leur apportait la consommation de biens. 

"Dans une période de crise comme celle que l'on vient de vivre, on prend davantage conscience, alors qu'on était déjà alarmé sur le sujet, des conséquences collectives de cette consommation pour la planète, pour les entreprises, et sur le plan sociétal", explique Philippe Moati. "Ce qui était déjà latent dans cette période d'avant-crise va s'intensifier après-crise. Avec une poussée d'une part importante de la population vers une volonté de consommer différemment. Ceci dit, n'oublions pas que nous allons butter sur la contrainte pouvoir d'achat", rappelle-t-il encore. 

L'économise reste donc nuancé sur ces bouleversements des habitudes de consommation des Français. Depuis le début du déconfinement, de nombreuses images témoignent en effet d'un retour dans les enseignes vestimentaires ou de file d'attente dans les drive de fast-food. "On est un peu dans un état de grâce, suspendu, dans un espace-temps extraordinaire. Il faudra voir ce qui va en rester plus tard. Je pense qu'à titre individuel et collectif, il y aura une certaine tendance à revenir au point initial", confie-t-il.