Comment se reconstruire après le "tsunami" du cancer ?

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Pour beaucoup de patients, la reconstruction après une rémission d’un cancer est une épreuve supplémentaire, trop souvent solitaire, comme témoignent vendredi les invités de Wendy Bouchard.

"Le cancer est un tsunami psychologique et physique. Et après un tsunami, il faut rebâtir. C’est extrêmement difficile". Isabelle Guyomarch parle d’expérience. Invitée du Tour de la question vendredi, sur Europe 1, cette ancienne malade d’un cancer du sein a pu éprouver la difficulté à se reconstruire après la maladie, dans un environnement qui n’est pas encore adapté. Au micro de Wendy Bouchard, celle qui a créé Ozalys, une ligne de cosmétique destinée aux malades du cancer, a, aux côtés d’autres invités, insisté sur la nécessité de mettre en place des mesures pour les patients en rémission.

"Psychologiquement, intérieurement, on est une nouvelle personne". Après un cancer, il faut "réapprendre à se regarder, à se toucher, à se faire toucher", explique ainsi  Isabelle Guyomarch. Car le cancer est une telle déflagration que le malade change, forcément. "Quand on se regarde devant la glace et qu’on n’aime pas notre tête, c’est difficile. J’ai perdu ma féminité. Par la perte des cheveux, des cils", témoigne Elisabeth, 37 ans, victime d’un cancer du sein. "Les gens ne nous voient pas comme une nouvelle personne. Mais nous, psychologiquement, intérieurement, on est une nouvelle personne".

"On dépense des fortunes pour nous sauver la vie. Mais après…" Et bien souvent, les patients en rémission se retrouvent seuls face à la reconstruction. D’abord face à l’arrêt du parcours de soin. "Quand on est dans les traitements, on est très suivi, très entouré, il y a des rendez-vous qui rythment notre vie", raconte Catherine, une auditrice. "Puis du jour au lendemain, vous êtes en rémission, vous rentrez chez vous, et vous restez avec votre entourage qui n’a qu’une envie, c’est de tourner la page", poursuit-elle. Et souvent, face aux proches, une pudeur s’installe. "On n’ose pas se plaindre parce qu’on a survécu et que tous les jours on a des nouvelles de ceux qui partent", confirme Isabelle Guyomarch. "Et on s’entend dire ‘tu es là, tu es encore en vie, c’est bien.’ "

"On dépense des fortunes pour nous sauver la vie. Mais après, il y a une vraie inégalité. Car l’après-cancer coûte extrêmement cher", regrette encore Isabelle Guyomarch.

"Le corps, les émotions, la nutrition et le bien-être".  Alors certains médecins prennent des initiatives. C’est le cas d’Alain Toledano, oncologue et co-fondateur de l’Institut Rafaël , inauguré jeudi à Levallois-Perret. L’objectif de ce nouvel établissement : accompagner les patients dans l’après-cancer."On veut démontrer l’impact positif de soins aussi divers que la sophrologie, la sexologie, la musicothérapie… On a en tout 25 disciplines pour accompagner au mieux chaque patient", assure le médecin.  

"La médecine ne doit pas capturer le cancer. La société doit s’en emparer de façon globale", réclame l’oncologue. "La santé, c’est perçu comme l’absence de maladie. Mais il est important de dire que la santé, c’est beaucoup plus que ça : il y a la santé sociale, la santé émotionnelle, la psychologie, la santé sexuelle."

"L’objectif est que chaque patient puisse être accompagné dans plusieurs dimensions : le corps, les émotions, la nutrition et le bien-être", résume Alain Toledano. Et cela serait profitable à toute la société, assure le médecin.  "On peut rembourser pendant 25 ans un traitement d’antidépresseurs, mais pas encore de séance chez le psychologue", regrette-t-il.  "Il faut qu’on arrive à démontrer qu’en s’occupant de façon globale du patient, on est plus efficaces qu’en se concentrant simplement sur la maladie. Et au final, ça peut entrainer une économie de plusieurs millions d’euros".