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Romain David , modifié à
Cette mère a fait une dépression après un avortement thérapeutique. Elle explique à Olivier Delacroix, sur Europe 1, comment elle a réussi à reprendre goût à la vie, notamment avec la naissance d'un nouvel enfant.
VOS EXPÉRIENCES DE VIE

Clothilde, 41 ans, a vécu en 2015 une interruption médicale de grossesse au bout de 34 semaines. Outre le déchirement qu'implique une telle décision, le deuil qui s'en suit ne ressemble à aucun autre. Comment pleurer la perte d'un enfant que les proches n'ont jamais vu, qui n'a jamais eu d'existence sociale ? Au micro d'Olivier Delacroix, sur Europe 1, Clothilde évoque cet "énorme vide" et son retour progressif à la lumière.

"C'est terrible, c'est très particulier. Vous revenez chez vous sans bébé. Vous avez été enceinte, on vous a vu enceinte, il y avait une réalité sur un projet d'enfant, un projet de naissance et quand vous rentrez, vous n'avez pas le bébé et personne ne l'a vu. Les gens comprennent que vous soyez triste, pour ça il n'y a pas de problème parce qu'il y a quand même une douleur. Par contre, il n'y a aucune existence sociale de cet enfant. […] Nous, parents, sommes les seuls à l'avoir entraperçu.

Aux yeux de tout le monde, à l'école, au travail, j'étais enceinte. Quand je rentre […], on me demande des nouvelles du bébé pour ceux qui ne savent pas, et là on ne sait pas trop quoi dire : 'Ça c'est mal passé… je ne l'ai pas. Il est mort en fait.'

 

>> De 15h à 16h, partagez vos expériences de vie avec Olivier Delacroix sur Europe 1. Retrouvez le replay de l'émission ici

À son retour de l'hôpital, Clothilde, obsédée par le vide de cette perte, a sombré dans la culpabilité et fait une dépression.

Mon couple a résisté. Il a quand même enduré pas mal d'épreuves, d'abord avec la décision d'interrompre [la grossesse]. Ensuite, c'est le vide, un énorme vide. Le papa s'en remet un peu plus vite parce qu'il ne s'arrête pas, il travaille, il n'est pas en congé paternité. La maman, par contre… J'étais en congé maternité sans bébé. Tout ce temps, ce vide je l'ai vécu à 100%.

Ça tourne dans la tête, on se sent extrêmement coupable de la décision que l'on a prise. On se sent mauvaise. Je disais : 'Je me suis prise pour Dieu, j'ai donné la vie mais j'ai aussi donné la mort parce que c'était une décision.' Cette décision, on a beaucoup de mal à l'assumer. On se dit : 'Est-ce que l'on a bien fait ? Est-ce qu'il était si malade que ça ?' Ce vide, vous l'avez dans le cœur, dans le ventre, vous l'avez partout.

Je me suis coupée de beaucoup de monde. On m'appelait mais je ne voulais faire ni sorties, ni cinéma, ni rien du tout. Je ne voulais voir personne.

Malgré cet impossible deuil, Clothilde a été immédiatement prise d'un besoin viscéral de retomber enceinte.

J'ai trouvé ça très mal placé quand les médecins, [...] le jour de l'interruption, m'ont dit : 'Vous allez très vite retomber enceinte madame, il faut absolument que vous refassiez un enfant'. Je trouvais ça horrible. Et en fait, après avoir accouché de ce petit Johan, qui était déjà mort, dès le retour de couches, c'était terrible, j'avais tout le temps envie de faire l'amour. C'était un truc de dingue. Il fallait absolument que je refasse un enfant.

Je crois que la vie reprend le dessus très vite. On a une espèce d'instinct animal, c'était vraiment ça. Il fallait que je tombe enceinte. C'était une pulsion, une pulsion de vie. Je ne me l'explique pas autrement. Du coup, je suis retombée enceinte six mois après.

Cette nouvelle naissance, doublée d'un accompagnement psychologique, a permis à la jeune maman de retrouver une certaine sérénité.

[…] Ça m'a beaucoup aidé parce que je me suis dit que j'étais quand même capable de retomber enceinte. Après, s'en suivent des angoisses […], mais ce qui m'a aussi permis d'être sereine, c'est de franchir le pas d'une thérapie. Je suis tombée enceinte en août, mais j'avais franchi le pas en juillet. Ma thérapeute m'a accompagnée pratiquement toute ma grossesse. Là, j'ai vraiment pu tourner la page de ce décès et vivre mon deuil à peu près normalement."