Marges, fraudes, importations... les dérives des produits bio

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Ugo Pascolo , modifié à
Invité d'Europe Soir, l'ancien cadre de l'agroalimentaire et auteur du livre "Les imposteurs du bio", Christophe Busset, dénonce les dérives du bio. Un marché où fraudes et prix gonflés sont légion dans le seul but de faire du profit. Il donne également ses astuces pour trouver du "vrai bio".
INTERVIEW

Alors que les Français sont de plus en plus préoccupés par ce qu'ils mettent dans leur assiette, Christophe Busset tire à boulets rouges sur une partie des produits bio. Dans son dernier livre sorti en octobre, Les imposteurs du bio, cet ingénieur et ancien cadre de l'agroalimentaire dénonce les dérives d'un système bien huilé. Invité d'Europe Soir ce mardi, il affirme qu'entre 15% et 20% des produits bio vendus en France sont frauduleux. Loin du marketing vert, des photos de paysans et du champ lexical de la nature sur les emballages, il dépeint un marché juteux qui intéresse jusqu'à la mafia. 

Des tomates bio italiennes importées...de Chine

C'est notamment le cas avec les tomates bio estampillées "origine Italie", qui n'ont de bio que le nom puisque "beaucoup viennent en réalité de Chine". "La mafia s'est engouffrée dans ce type de produits parce qu'on peut faire de très grosses marges avec très peu de risques." Et ce n'est pas la seule pratique dénoncée par Christophe Busset. Selon lui, "la Turquie est devenue une plaque tournante du trafic de bio", notamment en ce qui concerne les produits céréaliers et ceux destinés à nourrir les animaux voués à devenir de la viande bio. Ces céréales viendraient "des pays de l'Est comme la Moldavie" et sont produites de façon industrielle, affirme-t-il.

"Il faut savoir que la viande bio, pour être considérée comme telle, doit être nécessairement nourrie avec une alimentation bio. Mais ce sont des volumes considérables et ces produits [d'alimentation animale, ndlr] passent un peu sous le radar en transitant par la Turquie ou encore les Émirats arabes."

Des "faux bio" qui arrivent dans les assiettes françaises et font qu'entre 15% et 20% des produits [bio] vendus en France sont frauduleux, selon Christophe Busset.

Une marge très importante  

Quant à savoir comment une telle situation est possible, l'ingénieur pointe tout d'abord que le cahier des charges du bio en France n'est pas assez contraignant. Le Label AB [Agriculture Biologique] que l'on retrouve sur certains emballages dans les rayons date de 1985 et est hors d'âge. Mais c'est surtout aux acteurs de la grande distribution que Christophe Busset en veut, puisqu'ils ne se sont pas lancés dans le bio par idéologie, mais "par appât du gain" : "aujourd'hui, 80% de la progression du chiffre d'affaires se fait sur le bio, c'est le marché le plus porteur. Donc si vous voulez faire de la marge, il faut miser sur le bio."

Une volonté mercantile qui se retrouve sur les prix des produits bio vendus dans les rayons, la marge pour certains fruits et légumes atteignant 90% de plus que sur les produits conventionnels. "Les grandes surfaces ont intégré que les consommateurs savent que le bio coûte plus cher, ils ont donc tendance à charger la barque."

Comment être sûr d'acheter un vrai produit bio ?

Toutes les pommes du panier bio ne sont pas pourries pour autant, selon Christophe Busset qui pointe également l'existence "d'acteurs militants qui croient dans le bio". Comment, dès lors, être certain d'avoir affaire aux productions de ces personnes ? S'il n'y a pas de "moyen technique" pour affirmer via analyses qu'un produit est bio, l'ingénieur, lui-même consommateur de ces produits, distille quelques conseils. Pour avoir le "niveau zéro du bio", il faut se référer au label Eurofeuille, l'équivalent du label AB au niveau européen. Autre solution, se diriger vers des "labels privés qui sont beaucoup plus exigeants sur la qualité que ce qu'impose l'Union européenne". Mais la "meilleure garantie reste de privilégier le local et les produits de saison".

Et selon Christophe Busset, l'enseigne qui respecte le mieux tous ces critères est Bio c'Bon. "J'aime leur attitude, leur cahier des charges, j'ai confiance. Mais c'est mon opinion et elle n'engage que moi."