"Ateliers en non-mixité raciale" : un syndicat d’enseignant crée la polémique

Suite à de nombreuses insultes, le syndicat a indiqué qu'il allait porter plainte. (Illustration)
Suite à de nombreuses insultes, le syndicat a indiqué qu'il allait porter plainte. (Illustration) © AFP
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Ophélie Gobinet , modifié à
Deux ateliers organisés par Sud-Éducation 93 sur le thème de l'antiracisme à l'école ont suscité l'indignation du ministre de l'Éducation nationale qui porte plainte.

En une série de tweets, la "non mixité" a refait surface dans le débat public. Lundi, le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer a fustigé l’organisation par le syndicat Sud-Éducation 93 d’un stage à la mi décembre, dont deux ateliers doivent se dérouler "en non mixité", comprendre fermés aux Blancs. Le thème : "Où en est-on de l’antiracisme à l’école ?".

"Inconstitutionnel et inacceptable" pour le ministre qui "condamne avec  fermeté le projet d’une réunion syndicale triant les membres sur la base de leur origine". Mardi, devant l’Assemblée nationale, Jean-Michel Blanquer a annoncé son intention de porter plainte pour "diffamation" à l’encontre d'un syndicat "qui parle de racisme d’État".

La non-mixité, une pratique courante dans les années 70. Dans un premier temps, c’est la méthode adoptée par le syndicat qui a fait réagir. En limitant l’accès aux personnes blanches de deux des neuf ateliers organisés à l’occasion de ce stage réservé aux professeurs, le syndicat a refait émerger le concept de non-mixité. Couramment pratiquée dans les années 70 dans les milieux militants féministes en France et dans le mouvement des droits civiques aux États-Unis, cette pratique consiste à réserver certains lieux ou certains événements à des catégories sociales ou raciales en excluant d’autres groupes pour que la parole s’exprime plus librement. Dans un communiqué, Sud-Éducation 93 a dénoncé lundi la référence à "un tri des origines" dans la bouche de Jean-Michel Blanquer.

Les deux ateliers organisés en non-mixité, "Outils pour déconstruire les préjugés de race , de genre et de classe" et "Quelle vie professionnelle pour les enseignant-e-s racisé-e-s ?" s’inscrivent dans un programme beaucoup plus large qui propose d’interroger "le racisme d’État dans la société et en particulier dans l’Éducation nationale".  Un programme qui lui aussi, fait polémique.  

Le choix des intervenants alimente (aussi) la polémique. "On parle de 'non mixité raciale', on parle de 'blanchité', on parle de 'racisé', c’est-à-dire les mots les plus épouvantables du vocabulaire politique", a lancé mardi devant les députés le ministre de l’Éducation. Dans un tweet, la LICRA, qui a salué mardi la plainte du ministre de l’Éducation, a indiqué refuser "d’étiqueter les enfants des écoles de la République et leurs enseignants en fonction de critères dignes d’une exposition coloniale. Le mot racisé est une résurgence raciste qui vise à assigner à des groupes une identité victimaire".

Le Monde rappelle qu’outre le programme du stage, les intervenants choisis pour participer aux conférences, suscitent aussi la controverse. Nacira Guéanif, sociologue et vice-présidente de l’Institut des cultures de l’Islam, Marwan Mohammed, ancien directeur du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) et d’autres personnalités identifiées comme "militants d’extrême-gauche" par les milieux enseignants, font partie des invités. La Licra les a qualifiés de "compagnons de route des Indigènes de la République", un mouvement né en 2005 et qui défend un projet "antiraciste et décolonial".

Une polémique orchestrée par l’extrême-droite ? De son côté, Sud-Éducation 93 dénonce une polémique orchestrée par l’extrême-droite. Le Monde indique que dès dimanche, le site identitaire Fdesouche présentait sur son site un atelier "interdit aux Blancs". Mardi, le même site s’est félicité que la Licra et le ministre de l’Éducation reprennent ses propos . 

Mais Le Monde précise que c’est d’un tweet de Nassim Seddiki, secrétaire général du Printemps républicain et membre du Parti socialiste, que la polémique est partie. Mardi, il s’en félicitait sur Twitter.

Ce n’est pas la première fois que l’extrême-droite alimente la polémique sur ces sujets. En mai dernier, le site Fdesouche avait déjà signalé l’organisation du festival afrofeministe Nyansapo Fest dont certains espaces de discussion étaient exclusivement réservés aux femmes noires. La Licra et Anne Hidalgo, maire (PS) de Paris s’étaient alors saisis du sujet, demandant l'interdiction de l’événement.

Le syndicat a l’intention de porter plainte. Dans un communiqué Sud-Éducation 93, dont le stage affiche d’ailleurs complet, a fait savoir que le programme des ateliers était connu depuis la mi-octobre (le 19 octobre très exactement, ndlr) sans que cela ne suscite "la moindre réaction", note le syndicat.

Le syndicat a indiqué avoir reçu une avalanche "d’attaques et d’insultes" après "les offensives conjointes de l’extrême-droite, de la Licra" et du ministre de l’Éducation nationale et compte porter plainte dans les prochains jours.