Edouard Balladur au premier jour d'audience de son procès. 1:09
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Chloé Triomphe et AFP, éditée par Manon Fossat
L'ancien Premier ministre Edouard Balladur, 91 ans, s'est présenté ce mardi devant la Cour de Justice de la République aux côtés de François Léotard, où il est jugé pour des soupçons de financement occulte de sa campagne présidentielle de 1995. Il n'a pas souhaité s'exprimer au premier jour de l'audience.

Il est l'heure de s'expliquer. Vingt-cinq ans après, le procès d'Edouard Balladur pour des soupçons de financement occulte de sa campagne présidentielle de 1995, l'un des volets de la tentaculaire affaire Karachi, s'est ouvert ce mardi. L'ex-Premier ministre y est jugé aux côtés de son ancien ministre de la Défense (1993-1995), François Léotard, devant la Cour de justice de la République.

La prise de notes de Balladur 

En costume gris foncé et cravate rouge, Edouard Balladur est arrivé peu avant 14 heures au palais de justice de Paris. Il s'est arrêté un instant pour observer la nuée de journalistes, avant de rentrer dans la salle d'audience d'un pas lent, sans faire de déclaration. Malgré son âge, 91 ans, l'ancien Premier ministre a assisté sans fatigue apparente aux arguments de procédure plaidés par son avocat, sortant parfois un stylo-plume de sa veste pour prendre des notes. Il a même prévu de prononcer une déclaration liminaire mercredi, au deuxième jour de l'audience.

Quant à François Léotard, 78 ans, qui avait dans un premier temps fait savoir qu'il ne pourrait venir, étant malade, il était bien présent à l'ouverture de l'audience, mais sans avocat. "Il s'agit de mon honneur, je le défendrai moi-même", a précisé l'intéressé d'un ton décidé. En veste polaire, blouson en cuir posé sur son dossier de chaise, il s'est assis à gauche de son ancien chef de gouvernement et lisait ostensiblement un livre avant l'arrivée de la Cour. Il avait pris avec lui deux ouvrages, Antigone de Bertolt Brecht et Oedipe sur la route d'Henry Bauchau. L'ancien ministre de la Défense d'Edouard Balladur a d'ailleurs lui même versé au dossier des éléments pour sa défense : de longs écrits au style littéraire. 

Son refus de s'exprimer au premier jour d'audience

A l'issue d'un long résumé de ce "volumineux" dossier, en fin de journée, la Cour tente d'entendre une première fois Edouard Balladur. Mais ce dernier fait "non" de l'index : "Je reviendrai demain si vous le voulez bien et j'aurai beaucoup de choses à dire sur ce que j'ai entendu". Et d'ajouter : "Dans une affaire si compliquée, je suggérerais que l'usage du conditionnel soit plus souvent utilisé". Les avocats de l'ex-locataire de Matignon rappellent que ses médecins lui ont recommandé "de ne pas rester plus de deux heures à l'audience". 

Les deux prévenus, qui nient toute infraction, ont promis de "répondre aux questions" des trois magistrats professionnels et des douze parlementaires composant la Cour.

Un procès jusqu'au 11 février 

Pour l'accusation, Edouard Balladur a mis en place pendant ses deux années à Matignon, avec François Léotard, un système de rétro-commissions illégales sur d'importants contrats d'armement avec l'Arabie saoudite et le Pakistan destinées à alimenter en partie ses comptes de campagne. Après avoir échoué à faire reconnaître la prescription des faits, l'ex-Premier ministre est jugé pour "complicité" et "recel" d'abus de biens sociaux. François Léotard est lui renvoyé pour "complicité", ce qu'il nie aussi. 

Ils doivent comparaître jusqu'au 11 février devant la CJR, une juridiction mi-judiciaire mi-politique, et seule habilitée à juger d'anciens membres du gouvernement pour des infractions commises dans l'exercice de leurs fonctions. Composée de trois magistrats et de douze parlementaires, la CJR se réunit pour la huitième fois seulement en 28 ans d'existence. Au total, elle a prononcé trois relaxes, deux dispenses de peine et trois condamnations à du sursis.