Viol : pour Autain, "la parole libère"

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La militante féministe lance un manifeste contre le viol car "le silence fait le jeu des violeurs".

"La honte doit changer de camps". La phrase est signée Clémentine Autain, co-fondatrice du collectif féministe Mix-Cité, et elle-même victime de viol à l'âge de 22 ans. Cette dernière lance, avec 313 femmes, un manifeste contre le viol dans le Nouvel Observateur de mercredi.

Une femme sur dix porte plainte

En écho au manifeste des "343 salopes" qui avaient eu en 1971 le courage d'avouer leur avortement, Clémentine Autain publie dans l'hebdomadaire le témoignage de nombreuses femmes violées. L'idée de ce manifeste lui est venue à la suite de l'affaire DSK, soupçonné de viol sur une femme de chambre du Sofitel de New York, en mai 2011. "Une parole s'est libérée, il y a eu un déferlement de propos misogynes à l'époque, mais aussi des femmes qui ont commencé à parler. Quelque chose est sorti du tabou et s'est situé sur le terrain social et politique", constate-t-elle au micro d'Europe 1.

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Une libération de la parole qui est loin d'être suffisante selon la militante. "Ce n'est que le début d'un combat qui doit être mené", insiste-t-elle. Clémentine Autain rappelle ainsi que "seule une femme sur dix porte plainte. Ce silence, ce tabou, fait le jeu des violeurs. Et aussi, les femmes se sentent enfermées, culpabilisées". "Et ces victimes sont enfermées dans un regard social qui contribue à leur traumatisme", dénonce la militante, elle-même victime de viol lorsqu'elle était étudiante.

"Une loi cadre sur les violences"

Les 313 signataires appellent donc aux pouvoirs publics. "Il faut que les pouvoirs publics entendent notre cri d'alarme et soient capables d'accompagner le personnel de justice, les professionnels de la police, de les former et de faire en sorte qu'il y ait un grand mouvement d'éducation populaire dans la société pour changer le regard sur le viol", estime-t-elle.

Cette dernière propose ainsi l'instauration d'une loi contre les violences faites aux femmes. "Il faudrait une loi cadre sur les violences pour ajuster la loi sur le plan juridique, mais aussi pour déployer des moyens humains, financiers, pour faire tout ce travail d'accompagnement de ceux qui ont à faire à des victimes de viols et pour mener le travail indispensable de pédagogie et d'éducation populaire", estime la militante.

"Le 'nous' est important"

Au-delà du cadre juridique, Clémentine Autain conseille à toutes les femmes victimes de violences sexuelles de témoigner. "Il n'y a pas de honte, c'est une affaire grave, banale, massive", insiste-t-elle. Elle déplore en effet que de nombreuses femmes gardent le silence. "Je suis allée voir des personnalités publiques, des actrices, des politiques, qui m'ont confiée leur histoire, mais aucune n'a accepté de signer le manifeste. C'est tout à fait symptomatique, elles ont eu peur pour leur images, elles ont eu peur du regard des autres", analyse la féministe.

Et de conclure : "la parole, elle libère. On peut vivre après un viol à la condition de se reconstruire, d'être debout, d'être dans un combat. Je pense que le combat est l'une des clés de la reconstruction des femmes violées. Je crois vraiment à cette libération de la parole. Et il faut que l'on se batte collectivement. C'est pour ça que je tiens un manifeste collectif, parce que le 'nous' est important."