Suicide : qui était vraiment Dominique Venner ?

Militant puis théoricien, Dominique Venner, qui s'est suicidé par arme à feu mardi dans la cathédrale Notre-Dame de Paris.
Militant puis théoricien, Dominique Venner, qui s'est suicidé par arme à feu mardi dans la cathédrale Notre-Dame de Paris. © Capture d'écran
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PORTRAIT - Le militant et essayiste d'extrême droite s'est suicidé mardi dans la cathédrale de Notre-Dame de Paris.

Dominique Venner s'est suicidé mardi après-midi devant l'autel de la cathédrale Notre-Dame de Paris. L'homme âgé de 78 ans a posé une lettre en plein chœur de la cathédrale avant de se tirer une balle dans la bouche. Un geste violent décrit dans un premier temps comme l'acte d'un déséquilibré. Sauf que Dominique Venner est loin de correspondre à ce profil.

Méconnu du grand public, il était une figure emblématique de l'histoire de l’extrême droite contemporaine. Essayiste et historien, il a en effet inspiré plusieurs générations de militants. Europe1.fr revient sur le parcours de cet activiste violent et théoricien radical.

Un opposant au mariage pour tous. La dernière prise de position de Dominique Venner remonte à quelques mois, lors des débats sur le mariage pour tous. Fervent opposant au projet, le militant d'extrême droite a publié de nombreux billets de blog sur le sujet. Le dernier en question, publié le jour de sa mort et intitulé "la manif du 26 mai et Heidegger", incite d'ailleurs les militants anti-mariage gay à continuer leur mouvement. "Les manifestants du 26 mai auront raison de crier leur impatience et leur colère. Une loi infâme, une fois votée, peut toujours être abrogée", peut-on lire sur son blog.

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"Cela va bien au-delà". Mais pour Pierre Guillaume de Roux, son éditeur, qui le connaissait de longue date, ce billet de blog ne saurait résumer la pensée et les motivations de son ami. "Je ne crois pas que l’on puisse lier son suicide à cette affaire de mariage, cela va bien au-delà". Selon lui, ce geste revêt "une puissance symbolique extrêmement forte qui le rapproche de Mishima", l'écrivain japonais qui s'était suicidé en 1970.

Contre "l'invasion migratoire massive". Car Dominique Venner était féru de littérature, fasciné par les écrivains nationalistes qui se sont donnés la mort, tels que Henry de Montherlant, Pierre Drieu La Rochelle ou Yukio Mishima, donc. Des propos confirmés par Jean-Marie Le Pen, interrogé sur Europe 1 mardi matin. Selon lui, son geste n'est pas tant lié au mariage pour tous mais davantage à la lutte contre l'immigration. "Sa motivation c'est l'invasion migratoire massive de la France", a-t-il ajouté.

Dans son dernier billet de blog, l'essayiste mettait justement en garde contre "le risque de voir la France tomber aux mains des islamistes". Il estimait ainsi "qu'il faudra certainement des geste nouveaux, spectaculaires et symboliques pour ébranler les somnolences, secouer les consciences anesthésiées et réveiller la mémoire de nos origines. Nous entrons dans un temps où les paroles doivent être authentifiées par des actes", ajoutait-il.

Un nostalgique du pétainisme dans sa jeunesse. La pensée nationaliste qui marque le parcours de Dominique Venner. Né le 16 avril 1935, Dominique Venner est marqué par l’influence de son père architecte et surtout membre du Parti populaire français durant l’Occupation. Militant dans les années 1950 dans les mouvements d’extrême droite, comme Jeune Nation, un mouvement fasciste et nostalgique du pétainisme, Dominique Venner s'engage à l'âge de 17 ans dans l'armée. Il se porte volontaire durant la guerre d'Algérie, où il évolue au sein d'une unité de parachutistes. Proche de l'OAS, il sera emprisonné à la prison de la Santé pour avoir soutenu, au côté de Pierre Sidos, figure de l'extrême droite, le putsch des généraux d'Alger, en 1961.

22.05 La cathédrale de Notre-Dame de Paris dans laquelle Dominique Venner s'est suicidée. 930620

© Max PPP

Une référence dans les milieux intellectuels d’extrême droite. Durant ses 18 mois d'emprisonnement, Dominique Venner écrit deux essais - Pour une critique positive et Qu’est-ce que le nationalisme ? - qui feront de lui une référence dans les milieux intellectuels d’extrême droite, rapporte Le NouvelObs. "En prison, il comprend que l'extrême droite est victime de son obsession du passé, des combats perdus et il théorise une nouvelle façon de militer", analyse Jean-Yves Camus, spécialiste de l'extrême droite. "Il faut créer les conditions d'une action nouvelle, populaire et résolument légale", écrit notamment Dominique Venner dans les dernières pages de son opuscule.

Pour revenir "aux sources de l'identité européenne". A sa sortie de prison en 1963, l'essayiste fonde avec Alain de Benoist le groupe nationaliste Europe-Action, en s’appuyant sur une revue du même nom. Avec ses écrits, il inspire aussi la Nouvelle droite, cette école de pensée née dans les années 1970 et qui voulait réarmer intellectuellement la droite et l'extrême droite. Auteur d'ouvrages sur la chasse et les armes, Dominique Venner a aussi signé une Histoire de la Collaboration, une Histoire critique de la Résistance et une Histoire du fascisme allemand. Des ouvrages aussi reconnus que controversés.