Mères voilées et sorties scolaires : l'ambiguïté de Vallaud-Belkacem

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La ministre de l’Education se prononce pour l’autorisation des mères voilées aux sorties scolaires.

L’info. La polémique est ancienne. Elle remonte à novembre 2010. A l'époque, une directrice d'école primaire de Pantin, en Seine-Saint-Denis, refuse qu'une mère voilée  participe à la sortie de classe de son enfant, en CP. La directrice  argue que le foulard que porte la maman ne laisse apparaître que son visage. La mère rétorque qu'elle est "française, pas fanatique et souhaiterait pouvoir vivre sa religion sans être ostracisée". En 2012 pour mettre fin au débat, le ministre de l'éducation de l'époque, Luc Chatel, rédige une circulaire qui se veut claire : les parents qui portent des signes religieux ostensibles ne peuvent accompagner les enfants lors des sorties scolaires. Pourtant, la polémique n'a cessé de revenir sur le devant de la scène au gré de l'actualité.

najat vallaud-belkacem

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Dernier exemple en date et passé relativement inaperçu : la sortie, le 21 octobre dernier, de Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'Education nationale. Auditionnée par l’Observatoire de la laïcité, la ministre ouvre en grand la porte aux mères voilées qui accompagnent leurs enfants lors des sorties scolaires : ”le principe, c’est que, dès lors que les mamans ne sont pas soumises à la neutralité religieuse (...), l’acceptation de leur présence aux sorties scolaires doit être la règle et le refus l’exception”.

Une position qui semble donc bien loin de la circulaire Chatel. Celle-ci affirme clairement que : "ces principes (ceux de laïcité de l’enseignement et de neutralité du service public ndlr.) permettent notamment d'empêcher que les parents d'élèves ou tout autre intervenant manifestent, par leur tenue ou leurs propos, leurs convictions religieuses, politiques ou philosophiques lorsqu'ils accompagnent les élèves lors des sorties et voyages scolaires”.

Le numéro d’équilibriste du ministère de l’Éducation. Alors doit-on abroger la circulaire Chatel ? Interrogé par Europe 1, l’entourage de Najat Vallaud-Belkacem tente de concilier les deux positions : “la circulaire continuera d’être appliquée par les professionnels de l’éducation comme cela a été le cas jusqu’ici. Maintenant, il y a aussi l’avis du conseil d’Etat de décembre 2013 qui nous dit que l’on ne peut pas soumettre les parents au principe de neutralité religieuse”. Concrètement, pour le ministère, les mères voilées pourront accompagner leurs enfants tant qu’elles ne font pas de prosélytisme religieux. Et “une maman voilée, ce n’est pas du prosélytisme religieux”, estime le ministère.

Mais, si le principe général est l’acceptation des femmes voilées aux sorties scolaires, un chef d’établissement ou un enseignant pourra-t-il toujours se référer à la circulaire Chatel pour refuser une maman voilée ? D’après le ministère, oui : “s’ils considèrent que ça peut gêner la sortie scolaire, ils peuvent se référer à la circulaire”. Laisser la décision au personnel enseignant ne risque-t-il alors pas de créer des disparités entre académies ? Pour le ministère, la réponse est non. Les référents laïcité qui ont effectué leur première rentrée en septembre dernier “permettent de faire tout ça en bonne intelligence” en conseillant enseignants et chefs d’établissement.

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Demande de clarification. Les syndicats à la fois de directeurs d'établissement et d'enseignants sont nombreux à demander à la ministre de clarifier ses positions. Pour Jean-Rémi Girard, secrétaire national à la pédagogie au Snalc (Syndicat national des lycées et collèges), le discours de la ministre n’est pas tenable : “elle ne peut pas tenir les deux positions. Soit, elle pense que les parents qui portent des signes religieux ostensibles ne doivent pas être admis dans les sorties scolaires, c’est ce que nous demandons, et c’est ce que dit la circulaire Chatel, soit elle pense l’inverse, et elle le dit clairement”.

Jean-Rémi Girard ajoute : "la décision ne doit pas être à la charge du personnel enseignant. Une personne qui refuse un parent d’élève qui porte un signe religieux ostensible pourrait se le voir reprocher par sa hiérarchie et cela pourrait aller jusqu’au procès. A l’inverse, les parents d’élèves, en se fondant sur la circulaire Chatel, pourraient reprocher à un personnel enseignant d’avoir accepté un parent portant un signe religieux ostensible”. Le syndicat doit rencontrer la ministre avant fin novembre. Il va lui demander de réaffirmer clairement les principes énoncés par la circulaire Chatel.

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