Les magistrats sur liste noire

Le ministère de la Justice a demandé une liste des grévistes, une manoeuvre d'intimidation selon les magistrats, une procédure classique selon la Chancellerie.
Le ministère de la Justice a demandé une liste des grévistes, une manoeuvre d'intimidation selon les magistrats, une procédure classique selon la Chancellerie. © REUTERS
  • Copié
avec Pierre Rancé
Le ministère a demandé à chaque tribunal de faire remonter la liste des magistrats en grève.

 

Procédure classique ou manœuvre discrète pour faire pression ? En plein mouvement de grève, la Chancellerie a demandé à la hiérarchie judiciaire de lui transmettre la liste des magistrats et fonctionnaires grévistes dans toutes les juridictions, démarche qualifiée jeudi d'"intimidation" par les syndicats de magistrats.

 

La demande d’une telle liste, datée du 8 février, a été envoyée aux chefs de cours par la directrice des services judiciaires du ministère. Le Monde.fr a publié le document jeudi matin, le jour même où tous les acteurs de la justice était invités à manifester, après avoir été mis en cause par Nicolas Sarkozy dans l'affaire Laetitia.

 

Un point chiffré deux fois par jour

 

Il leur est demandé de transmettre deux fois par jour le nombre de fonctionnaires et magistrats "s'étant déclarés grévistes, ceux qui n'ont pas assuré leur service tout en ne s'étant pas déclarés grévistes et ceux qui n'ont pas fait connaître le motif de leur absence".

 

Pour le ministère de la Justice, cette note est là uniquement pour mesurer l’ampleur du mouvement de grève. La Chancellerie assure que "ce type de note diffusée aux chefs de cours à l'occasion de chaque mouvement n'a pas vocation à intimider, mais à rappeler les règles", a assuré son porte-parole, Bruno Badré.

 

Une procédure normale, selon la Chancellerie

 

Cette liste vise surtout à faciliter les démarches administratives, selon le ministère de la Justice. "Il appartient aux chefs de cour d'apprécier au cas par cas les conditions dans lesquelles chaque magistrat accomplit ou non son service", a souligné le porte-parole de la Chancellerie. "C'est ce critère qui conditionne les éventuelles retenues sur salaire qui sont prévues par les règles de comptabilité publique", a-t-il ajouté.

 

“Des manœuvres d’intimidation“

 

Du côté des grévistes, cette “liste noire“ constitue avant tout un moyen de pression et traduit, aux yeux des syndicats de magistrats, le durcissement de la chancellerie.

 

“C’est un scandale. Il y a des manœuvres d’intimidation pour que tous les professionnels de la justice rentrent dans leurs tribunaux et ne manifestent pas“, a réagi Marie-Pierre de la Gontrie, secrétaire nationale du Parti socialiste chargée de la Justice. “Aujourd’hui, la base, le sommet, la hiérarchie, les procureurs : tout le monde est scandalisé, toutes les juridictions sont mobilisées“, dénonce-t-elle.

 

Sarkozy demande une consultation

Nicolas Sarkozy a pris la mesure de la mobilisation, jeudi soir, sur TF1. Le président de la République a demandé au garde des Sceaux, Michel Mercier, d'engager dès vendredi une "consultation très ouverte".