HLM: le "trouble de jouissance", c'est quoi ?

Le texte définissant le "trouble de jouissance" est l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989.
Le texte définissant le "trouble de jouissance" est l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989. © REUTERS
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Frédéric Frangeul , modifié à
ZOOM - L’expulsion de familles de dealers, à Boulogne-Billancourt, soulève des interrogations.

L’INFO. Quatre familles de dealers de Boulogne-Billancourt, dont certains enfants participaient à un trafic de drogue, seront expulsées de leur logement HLM à l’issue de la trève hivernale. La Cour d’appel de Versailles a validé cette procédure d’expulsion, demandée par l’office HLM des Hauts-de-Seine, en mettant en avant le "trouble de jouissance" occasionné pour le voisinage. Mais que recouvre exactement cette expression ? Europe1.fr fait le point.

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Ce que dit la loi. Le texte définissant le "trouble de jouissance" est l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989. "Tendant à améliorer les rapports locatifs", il impose aux locataires "d’user paisiblement des locaux suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location". Passer outre cette obligation constitue "un trouble de jouissance" qui peut entraîner une résiliation du bail. Le bruit ou le tapage sont généralement les principales causes d’application de cette loi.

Une jurisprudence ? Le cas des familles de Boulogne ne constitue pas une première en la matière, "ni pour le département ni pour un autre bailleur en France", selon Christian Dupuy, le président de l'office départemental d'HLM des Hauts-de-Seine, à l’origine de la procédure. "C'est assez fréquent que l'on demande l'expulsion d'une famille pour trouble de jouissance lié à des faits de délinquance répétés de leurs enfants", souligne celui qui est par ailleurs maire UMP de Suresnes. Reste que, pour la première fois, dans l’affaire de Boulogne, les parents sont tenus responsables des actes de leurs enfants dont certains étaient majeurs au moment des faits.

Les familles doivent-elles payer pour les enfants ? C’est tout l’enjeu de la décision de la cour d’appel de Versailles.  "On n'a pas d'autre endroit où aller. Ils ne veulent pas nous reloger, qu'est-ce qu'on va faire?", a témoigné ainsi sur Europe 1 la sœur d’un des mis en cause. "Mon frère était majeur a l'époque des faits. Il a fait une connerie, mais c'est pas la famille qui doit prendre pour lui", ajoute-t-elle. Pour sa part, l’OPDHLM de Paris retient "la responsabilité des titulaires du bail" pour appuyer sa démarche.

Qu’en pensent les associations ? "Je ne couvre pas les faits de trafic de drogue, mais ne risque-t-on pas de créer des difficultés supplémentaires avec ce type de décision ?", demande Serge Incerti-Formentini, le président de la Confédération nationale du Logement, interrogé par Europe1.fr. "C’est une double peine si les parents doivent assumer la conséquence de faits dont ils ne sont pas pénalement responsables ? Et demain, ajoute Serge Incerti-Formentini, allons-nous remettre en cause la trêve hivernale ?"

Quelle alternative ? Dans ce type de dossier, la justice peut aussi décider de mettre en place des mesures d’éloignement à l’encontre de la personne, majeure ou mineure, mise en cause. Ces mesures, assorties d’un contrôle judiciaire, consistent à reloger le déliquant dans un lieu éloigné de sa résidence habituelle pour mettre un terme à ces agissements, dès lors qu’une enquête est en cours.