Faux clowns dans le Nord : "sociologiquement intéressant, mais..."

Une des photos relayée sur Twitter comme étant celle du clown de Douai et vraisemblablement tirée du film "Ça".
Une des photos relayée sur Twitter comme étant celle du clown de Douai et vraisemblablement tirée du film "Ça". © CAPTURE twitter/Une des photos relayée sur Twitter comme étant celle du "clown de Douai" et vraisemblablement tirée du film "Ça".
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VENT DE PANIQUE - Alors que trois plaintes ont été déposées et que les réseaux sociaux s'enflamment, le parquet juge "disproportionné" l'emballement autour de cette "affaire". 

A Douai, il y a ceux que "l'affaire" inquiètent et ceux qui en rigolent sans vraiment y croire. Tout le monde dans la ville a, en tout cas, entendu parler de ce mystérieux clown "armé" (une variante évoque plusieurs clowns) qui roderait à la sortie des collèges et des écoles. Alors que l'histoire, dont les ingrédients ne sont pas sans rappeler certains films d'horreur américains, est abondement relayée sur les réseaux sociaux - avec, parfois, de fausses photos à l'appui, Europe1 fait le point.

Un compte twitter satirique a été ouvert mercredi sur Twitter :

Les déclarations du procureur. Joint par Europe1, le procureur de la République de Douai, Eric Vaillant, explique qu'à ce jour, trois plaintes ont été déposées, lundi, mardi et mercredi. La plainte la plus grave est la dernière en date : elle a été déposée par une adolescente qui dit avoir été menacée par un clown armé devant une école. Le procureur dit prendre les choses au sérieux et un SDF déguisé en clown a été brièvement interpellé mercredi soir. "On n’a rien à lui reprocher", précise le procureur avant d'ajouter : "on sait où le trouver en cas de nécessité".

Pourquoi cet emballement sur les réseaux sociaux ? "Les victimes présumées sont des jeunes, cela participe à ce que les choses soient montées en épingle", avance le procureur qui précise : "c'est la première fois que l'on est confronté à ce genre de phénomène". Même si l'affaire est prise au sérieux, il juge "disproportionné" l'emballement autour de l'affaire et rappelle : "personne n'a été blessé". "C'est intéressant sur le plan sociologique, mais judiciairement ce n'est pas l'affaire du siècle", résume le magistrat.

Le compte Twitter d'une adolescente du Pas-de-Calais :

Les mises en garde de la police nationale. Vendredi soir, la police nationale a publié un post sur Facebook précisant qu'à ce stade rien, dans cette "affaire" de clowns n'avait été constaté dans les faits.

Sur son compte Twitter, la police nationale mettait aussi en garde, au même moment les personnes tentées, pour faire un canular, de dénoncer des faits imaginaires.

Le regard du sociologue. Cet amalgame entre faits présumés réels (du fait des trois plaintes) et extrapolations est-il caractéristique d'une rumeur ? Non, selon Pascal Froissart, enseignant-chercheur à Paris VIII et au CNRS et auteur de "La rumeur. Histoire et fantasmes" (éditions Belin). "C'est un a priori que l'on a sur la rumeur car, en fait, toute information est, au départ, un mélange de vrai et de faux qu'il revient au journaliste de démêler", explique t-il.

Pour le chercheur, le problème dans cette affaire est surtout celui de "la vitesse de propagation" favorisée par les réseaux sociaux. Mais pourquoi un tel embrasement autour de cette histoire précisément ? "Le personnage menaçant du clown, qui plus est à l'approche d'Halloween, appartient au folklore lycéen nord-américain", estime-t-il.

Pour lui, la peur ressentie par les jeunes et leurs parents n'est pas étonnante dans notre société : "les parents transmettent à leurs enfants la peur de l'agression dans un cadre public alors qu'en réalité, les agressions ont davantage lieu dans la sphère privée". Comment couper court à la psychose naissante ? "C'est aux corps constitués, c'est-à-dire à la police et à la justice, de refroidir ce genre d'inquiétude généralisée", estime le sociologue.

Le ressenti des journalistes de la presse régionale. A la rédaction de la Voix du Nord de Douai qui a révélé et suivi "l'affaire", les journalistes pressentent que "tout cela va se résorber avec les vacances scolaires". Dans la ville, la tension est déjà un peu retombée, d'après une journaliste contactée par Europe1 : "le premier jour, les parents d'élèves étaient inquiets, maintenant cela tourne à la blague".