Crèche Baby-Loup : nouveau rebondissement judiciaire

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avec Noémie Schulz et AFP , modifié à
LA DÉCISION - La cour d'appel a confirmé que la crèche avait de le droit de licencier sa salariée pour atteinte à la laïcité.

L'INFO. C'est l'épilogue d'une affaire devenue emblématique dans le débat sur la laïcité en France. La cour d'appel de Paris a confirmé mercredi le licenciement, pour "faute grave", d'une salariée voilée de la crèche privée Baby-Loup, à Chanteloup-les-Vignes, dans les Yvelines. Ce licenciement avait pourtant été annulé en cassation en mars dernier. Il est "très probable" que Fatima Afif, la salariée voilée de la crèche Baby-Loup, décide de "faire un pourvoi" en Cassation a déclaré son avocat, Me Michel Henry.

Les faits. En décembre 2008, la salariée, de retour d'un congé maternité suivi d'un congé parental, avait annoncé son intention de garder son foulard durant son travail. Ce qu'avait refusé la directrice de la structure, invoquant l'obligation de "neutralité philosophique, politique et confessionnelle" inscrite dans le règlement intérieur de cette crèche privée.

Car Baby-Loup a beau être une crèche à mission d'intérêt général, elle n'en reste pas moins une crèche privée. Dans son règlement intérieur, l'établissement stipule, en s'appuyant sur le principe de laïcité instauré par l’article 1er de la Constitution, que "la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et neutralité" au sein de la crèche. C'est sur ce principe qu'avait été justifié le licenciement de la salariée en question pour "faute grave".

La justice a eu du mal à s'accorder. La justice s'est d'ailleurs prononcée à deux reprises en faveur de la crèche. L'ancienne employée de cette crèche associative a en effet été déboutée par la justice, une première fois devant le conseil de prud'hommes de Mantes-la-Jolie, dans les Yvelines, en novembre 2010, puis devant la cour d'appel de Versailles en octobre 2011.

Mais le 19 mars dernier, à la surprise générale, la Cour de cassation avait donné raison à l'employée licenciée. La plus haute instance judiciaire française avait en effet estimé que "s'agissant d'une crèche privée", ce licenciement constituait "une discrimination en raison des convictions religieuses". L'affaire avait alors été renvoyée devant la cour d'appel de Paris, qui vient de trancher en faveur de la crèche.

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Quelles sont les motivations de la cour d'appel ? S'appuyant sur le règlement intérieur de l'établissement - qui stipule une obligation de neutralité de ses employés - la cour d'appel de Paris a en effet validé le licenciement pour faute grave. La cour d'appel met également en avant l'action de la crèche Baby Loup en faveur des enfants défavorisés, et ce, "sans distinction d'opinion politique et confessionnelle". Enfin, le tribunal évoque l'article 14 de la Convention relative aux droits de l'enfant, "de protéger la liberté de pensée, de conscience et de religion pour chaque enfant (...) dans un principe de neutralité".

La directrice de Baby-Loup soulagée. "Cette décision de résistance marquera l'histoire de la laïcité", a réagi Me Richard Malka, un des avocats de l'établissement. "Pour nous, a-t-il poursuivi, cette victoire est d'abord celle d'une idée généreuse, singulière et universaliste, l'idée que ce qui nous rassemble doit être privilégié par rapport à l'exacerbation de nos différences, fussent-elles religieuses". "C'est l'affirmation que si la religion est sacrée pour certains, elle n'est pas sacralisée par la République", a-t-il ajouté.

La directrice de Baby-Loup, Natalia Baleato, se réjouit également de la décision, même si elle a conscience que "le combat n'est pas fini". "C'est un soulagement. ce qui a été reconnu aujourd’hui c'est la possibilité d'apporter un accueil aux enfants en toute neutralité. Et c'est la raison pour laquelle nous avons maintenu l'énergie suffisante pour arriver à ce jour là, qui est, selon moi, historique", commente-t-elle au micro d'Europe 1. Me Michel Henry, l'avocat de la plaignante, a pour sa part fustigé "cette espèce de populisme qu'exprime" une partie de la haute magistrature, ce "courant de pensée qui se sent atteint dans ses racines par la montée du fait religieux".

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L'affaire Baby Loup avait en effet relancé le débat sur la laïcité et l'arrêt de la Cour de cassation avait été vécu comme une atteinte à ce principe. De nombreuses voix s'étaient en effet élevées pour réclamer dans les textes législatifs l'extension de la neutralité dans le secteur public à des sphères privées, notamment dans la petite enfance. Mais l'hypothèse d'une loi sur la laïcité a été écartée par l'Observatoire de la laïcité, installé par François Hollande.

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