10 millions de personnes aident un proche malade ou âgé en France, zoom sur le rôle des «proches aidants»
Alors que la journée nationale des aidants est prévue lundi, Europe 1 met à l'honneur ce vendredi matin le rôle de ceux que l'on appelle "les proches aidants" ou "les aidants familiaux". Ces Français qui aident un proche malade, et ils sont très nombreux.
Près de 10 millions de personnes soutiennent chaque jour un proche malade ou âgé, soit un Français sur six environ. C'est même un sur quatre pour les plus de 60 ans. Autant dire que c'est un phénomène de société massif, qui nous concerne tous. Être un aidant, ça peut être rendre visite à un parent qui vit seul, isolé, un soutien moral, mais aussi une aide financière.
Cela peut également être un soutien quotidien, beaucoup plus prenant : faire à manger tous les jours à sa mère ou son mari en perte d'autonomie, l'aider à s'habiller... Une charge souvent très lourde, difficile à gérer, d'autant qu'elle vient s'ajouter au quotidien des aidants qui ont aussi un travail et une vie de famille.
"Être aidant, c'est donner sa vie, son temps, son argent. C'est tout donner"
Ces aidants sont majoritairement des femmes (six sur dix). Elles doivent assumer ce nouveau rôle, en plus de leur foyer et de leur travail, comme le fait Isabelle depuis 2014. Cette année-là, l'infirmière apprend que son mari souffre de la maladie de Charcot. Depuis, elle décrit une vie qui lui est entièrement dédiée.
"La vie de toute la famille a été chamboulée et notamment la mienne. Tout ce qu'il ne pouvait pas faire avec ses jambes et ses bras, c'est moi qui le faisais. Parce qu'en fait, mon mari refuse d'avoir une vie de dépendant. Au début, c'était juste 'Tiens, tu m'aides à me laver le dos', après c'était le dos et les jambes etc".
Les choses sont devenues encore plus difficiles lorsque son mari a perdu l'usage de la parole : "Je fais toute la communication. C'est-à-dire qu'il ne peut pas répondre au téléphone, il ne peut prendre aucun rendez-vous. À l'heure actuelle, c'est moi qui le couche le soir, un homme qui fait 1m80 et plus de 90kg. Ce qui fait que je me couche au plus tôt à minuit alors que je me lève le lendemain matin à six heures", explique-t-elle.
"Je n'existe plus en fait, je ne suis que son aidante, sans être soignante", confie-t-elle. "Le handicap de mon mari est trop lourd, il va sans doute partir en Ehpad". Une décision qui fait culpabiliser cette femme dont le mari n'a que 67 ans mais "j'en suis arrivé à : c'est lui ou moi. Être aidant, c'est donner sa vie, son temps, son argent. C'est tout donner."
"Il fallait que je sois tout le temps avec elle"
Un rôle très lourd donc mais que des mineurs doivent aussi parfois endosser. Ils sont plus de 500.000 à devoir assister souvent un père ou une mère malade alors qu'ils sont encore (très) jeunes. Tenir un foyer, gérer un loyer tout en allant au lycée : c'est ce que Sophie a fait alors qu'elle n'avait que 16 ans. Elle est devenue en quelque sorte "la mère... de sa mère" qui était atteinte d'Alzheimer.
"Ma mère n'arrivait plus à faire les choses toute seule. Du jour au lendemain, j'ai dû apprendre à gérer quelque chose d'administratif. Pour les courses par exemple, il fallait que je sois tout le temps avec elle. Dès qu'il fallait prendre la voiture, c'était moi qui devais conduire", explique-t-elle.
Lorsqu'elle est partie faire ses études à Lyon, elle continuait de gérer les choses à distance : "Il y avait des problèmes au niveau de la banque, je devais gérer ça. Elle vivait au-dessus des moyens qu'elle pouvait avoir à ce moment-là. Et moi, je ne savais pas où partait l'argent. Ma mère faisait des fois des chèques, on ne savait pas où ils allaient. On était à découvert tout le temps".
"J'étais une enfant, j'aurais aimé qu'on m'accompagne"
À cela, il faut ajouter la charge mentale que cela peut représenter pour l'aidant : "Quand je venais, il y avait la charge mentale de : il faut que la maison soit propre, il faut lui donner à manger, il fallait l'occuper aussi parce que sinon, elle restait assise, les yeux dans le vide toute la journée".
Ce que regrette également Sophie, c'est le manque de soutien des autorités compétentes : "J'étais une enfant, j'aurais aimé qu'on m'accompagne. Et ma mère, elle a fait ce qu'elle a pu, donc je ne peux pas lui en vouloir. Pour moi, je n'en ai pas fait assez, mais tous les aidants vous diront qu'on n'en a jamais fait assez. On doit accepter les émotions qui nous traversent : la tristesse, la colère, le syndrome de l'infirmière. Et c'est ce que j'ai envie d'envoyer comme message aux aidants aujourd'hui, d'accueillir et d'accepter ce qu'on ressent, au-delà de la maladie de nos proches".
Sophie a aujourd'hui 32 ans, sa mère est décédée. Elle appelle tous les aidants, jeunes ou non, à s'entourer de professionnels qui peuvent s'occuper de leurs proches. De quoi leur offrir un moment de répit.